C.8.3.1 Emprise sans écart ou maîtrise appropriante ?

La potentialité adaptative d’une institution est liée à sa capacité comme groupe, de permettre à chacun des acteurs d’exercer une maîtrise appropriante, en lieu et place de les (main)tenir dans une emprise sans écart. Cette tentation de l’emprise est manifeste dès que la stabilité des identifications est menacée. L’emprise précipite les violences mortifères, voire meurtrières de la professionnalité ; le nouveau professionnel, tout comme l’ancien se trouvent alors conviés à devenir des héritiers uniquement habilités à reproduire l’héritage, sans possibilité de le malmener, de le questionner et partant de le transformer. Dans ces configurations, il n’y a dès lors pas de possibilité de réelle appropriation. On se place sous le régime de la copie, et l’institution dérive peu à peu vers des fonctionnements in-questionnables, intouchables, voire paranoïaques.

C’est l’acceptation du désordre (momentané) qui permet à chacun des partenaires d’accéder à une «maîtrise suffisante».

‘«Dans la maîtrise il n’y a aucune action d’appropriation ou de destruction du désir de l’autre. Dans le sens le plus précis que Freud lui donne en parlant de Reizbewältigung, il s’agit d’une maîtrise de l’excitation à l’intérieur de l’appareil psychique afin d’éviter une situation traumatique ou afin d’y faire face. C’est une action de liaison de l’excitation (...). Contrairement à l’emprise, la maîtrise n’est pas déni du manque d’objet, elle est bien au contraire reconnaissance et acceptation de ce manque, tout comme elle est reconnaissance et acceptation de l’Autre en tant que sujet désirant.» (R. Dorey 1992⁵⁵⁹).’

Chacun des sujets (professionnels et enfants accueillis dans le cadre de l’établissement) peut alors s’approprier les nouveaux lieux, savoir «où ranger ses pantoufles et où les retrouver», assuré de ce fait de sa place singulière et d’une sécurité suffisante, au sein d’un collectif.