C.9.3.1 Dédifférenciation et mise en abîme

Dans cette institution le débordement est donc lié à un changement structural ayant généré une crise. C’est une modification dans les modes de financement des différentes structures de cette association qui a mis en mouvements les angoisses, par démutisation du cadre574.

La première séance de travail sera largement occupée à parler les angoisses qui agitent le groupe, sous le mode de l’exclusion et de la mise à mal professionnelle : Qui va chasser qui ? Quelles sont celles qui vont pouvoir continuer à exercer, et qu’elles sont celles dont le statut les rend susceptibles d’être licenciées ?». La configuration induit donc une représentation imaginaire telle que «Il y a des personnes en trop». Au vu de la crise financière, pour que certaines professionnelles continuent à exercer, à vivre professionnellement (au niveau de l’ensemble de l’association), d’autres doivent être exclues, violentées professionnellement.

À énoncer la dynamique en ces termes, l’analogie se fait des plus évidentes avec les femmes qui, lorsqu’elles sont amenées à demander un hébergement en urgence au «Foyer Les Collines», se trouvent elles aussi dans cette position «d’être en trop», et/ou dans une nécessité (parfois vitale) de s’extraire de la violence agie dans le couple. Elles se présentent alors comme les victimes d’un persécuteur qu’il y a urgence à fuir575.

Avec ce contexte institutionnel et les menaces d’exclusion qui s’y déploient on se retrouve ainsi dans une mise en résonance entre la situation éprouvée par les professionnelles et les situations vécues par les femmes accueillies, auxquelles elles ont à faire au quotidien. La configuration dessine alors une «mise en abîme » confusionnante, l’une pouvant se voir en miroir dans le miroir que lui tend l’autre. - La mise en abîme constitue une des figures du morcellement confusionnant, à l’identique avec un objet qui, placé entre deux miroirs qui se font face, voit son image se démultiplier à l’infini. Au travers de cette figure se rencontre la mise en faillite du processus identifiant qui suppose la constitution d’une limite unifiante (celle du corps, celle du groupe, celle de l’institution, ...).

Durant cette période où la précarité éprouvée par les accueillantes les rend identiques aux accueillies, les différences organisatrices vacillent et le vertige s’installe.

Notes
574.

Une modification dans les attributions de compétences entre l’état et la région entraînera donc la mise en crise de l’association - une rivalité politiquenotion politique notion politique notion politique notion politique notion politique notion politique notion politique notion politique se jouait entre ces deux tutelles, chacune cherchant à se faire le champion des restrictions budgétaires, au détriment de l’autre. Une part des budgets qui assurait le fonctionnement habituel s’est ainsi trouvé supprimé brutalement. Ce qui historiquement avait été considéré comme nécessaire et s’était trouvé financé par l’une des tutelles, se révélait pour l’autre superflu. C’est ainsi que l’activité de l’une des 4 structures de l’association se retrouva délégitimée, et des licenciements s’y révéleront inéluctables.

575.

Sans minimiser, ni nier la violence agie par leurs compagnons ou leurs maris dont ces femmes sont parfois victimes, les scenarii qu’elles agissent ne sauraient, bien entendu, se confondre avec cette seule place et son inflation imaginaire. Certaines femmes développent des positions de chantages masqués à l’égard de leurs conjoints, d’autres des identifications victimaires qui les protègent de décompensations plus graves ; d’autres agissent la violence de la castrationnotion castration notion castration notion castration notion castration notion castration notion castration notion castration notion castration , privant les hommes de leurs positions paternelles (quand bien même celles-ci sont-elles des plus boiteuses), etc.