C.9.4.2 Le fantasme : s’en défendre ou s’en déprendre ? - Hypothèse

En résumé, dans ces configurations institutionnelles le fantasme ne tire son pouvoir mortifère (confusionnant ou morcelant) que d’être tenu (faussement) à distance, tout en tirant jouissance de sa proximité. C’est la rigidification dans les identifications et notamment des identifications aux imagos, en tant qu’elles ont à voir avec les instances de l’idéal d’où les sujets tirent un nourrissage narcissique, qui permet de maintenir une telle position. Pour être à même de se perpétuer, cette configuration scénarique a besoin de se rigidifier. Dès lors tout ce qui déborde de façon trop radicale de la préfiguration des places doit être exclu.

C’est l’arrimage à un représentant «du père », à un garant institutionnel qui va permettre au groupe de se déprendre de ces cramponnements à l’image, pour oser regarder ce qui de leur jouissance les met à mal, et ce qui des exclusions par trop violentes des «usagers» ne leur permet plus de maintenir les identifications à des figures résolument positives.

Assuré qu’il en est «un» qui, au vu de sa place, pourrait être à même de jouer une position incestuelle-incestueuse et qui s’abstient, il est alors possible au groupe de s’approcher du fantasme, et d’en faire le lieu d’un travail de mise en représentation, de mise en pensée et de mise en sens. L’assurance complémentaire requise c’est que «le garant d’une différence» assure le groupe des professionnels de leur non-confusion avec les «usagers»⁵⁸¹.

Les imagos et les identifications corrélées peuvent alors évoluer vers l’ambivalence, (l’ambiguïté au sens de P.C. Racamier) celle qui va permettre de tolérer les déviances des «usagers» par rapport au scénario initial, générant une position à partir de laquelle un travail d’accueil devient véritablement possible. Assuré d’une différence et soutenu par l’interdit de s’y confondre (porté par le groupe et par le garant institutionnel), il est alors envisageable de s’approcher des redoutables contrées de l’archaïque, sans s’y engloutir, ni en jouir en excès.

Dans la situation institutionnelle évoquée on a pu voir comment le groupe se laisse gagner par l’angoisse au moment où il n’est plus assuré de sa différence de façon suffisante. Il n’aura alors de cesse de requérir le représentant du méta-organisateur oedipien, afin de retrouver une sécurité à cet endroit.

Le travail de subjectivation (le travail de la pensée dans son versant élaboratif) requis des groupes professionnels dans la réalisation de leur tâche primaire peut être considéré à partir de la transformation du rapport au fantasme et à l’imago ⁵⁸² et de leurs liens à la généalogie. Partant d’une position de méconnaissance-jouissance relativement au fantasme et à la pulsionnalité qui le nourrit, ce processus travaille à la révélation-sublimation. Le lien au méta-organisateur oedipien, nous paraît seul à même d’autoriser un tel travail (de subjectivation) dans la protection qu’il offre contre la dé-différenciation, pour autant que ce garant (porteur de la marque «du père ») soit lui-même référé à l’ordre des générations et soumis à la loi.

La reconnaissance d’une ascendance et la promesse d’une génération à venir établissent un ancrage symbolique. C’est depuis cet arrimage et à partir de la marque du manque que la généalogie participe au travail de la pensée, et aux travail humanisant de la subjectivation.