C.10 Conclusion
IIème Partie

Reprenons le cheminement réalisé en cette deuxième partie, dans son lien avec nos propossitions initiales.

Pour accomplir leur tâche primaire (soigner, aider, accompagner ...), les institutions du soin et du travail social doivent sans cesse composer avec les effets de déliaisons mortifères dont elles sont le lieu. Les postures professionnelles ne se soutiennent que d’un travail de «forçage » permanent, sous la forme d’une obligation constante à déconfusionner les professionnels d’avec leurs «objets» (travail de liaison et de transformation dans et par la pensée : mise en représentation et mise en sens).

La structuration psychique de ces institutions suppose un investissement du pôle hiérarchique. Cette instance est «appelée» dans sa fonction de méta-organisateur oedipien, en tant que symbole et garant d’une différence toujours menacée de dédifférenciation - autrement dit, la structuration psychique des institutions suppose que le groupe des professionnels consente à ce qu’il y ait « du père », de la génération et de l’histoire (travail d’historisation).

Dans l’histoire des institutions, le refus en sa radicalité prend les formes d’une captation de l’histoire. Ce qui est alors refusé, c’est la génération. Du côté d’une génération refusée aux descendants, on rencontre la figure du filicide et du côté d’une génération refusée aux ascendants, on rencontre celle du «parricide ».

Cette «IIème Partie» de l’écriture a mis en travail la seconde partie de ces hypothèses. Pour ce faire, nous avons interrogé en premier lieu les fonctions psychiques requises des institutions, et notamment la place occupée par le fantasme et l’interdit  : Chapitre C.1. «L’institution et la «fabrique» des sujets». Pour avancer dans notre compréhension de ces configurations, nous sommes allés explorer le rôle et la place du pouvoir, sa fonction organisatrice et sa fonction d’ouverture : Chapitre C.2. «Pouvoir, «phallus » et méta-organisateur oedipien». Le meurtre s’étant révélé intrinsèquement lié à la question du pouvoir et à celle du père, nous nous sommes interressés aux modalités selon lesquelles il était agi dans les institutions : Chapitre C.3. «L’arrachement de «l’évolution humaine à l’attraction du meurtre»«. Nous avons ensuite observé la manière dont les directeurs sont assimilés à l’institution qu’ils représentent. Nous avons alors fait appel à une première situation clinique pour explorer ce mouvement (Centre d’hébergement «Les Rosiers» Madame «D» directrice «C’est mon problème») : Chapitre C.4. «Les directeurs d’institution : une inévitable aliénation?» Nous sommes ensuite revenus sur notre axe de réflexion central à partir des agirs meurtriers de la génération : Chapitre C.5.»La généalogie institutionnelle et les écueils du travail d’historisation : entre filicide et parricide ». À la suite de cela nous avons regardé comment les mouvements du «filicide» prennaient forme dans les institutions à partir de différentes situations cliniques (Institution pour adultes handicapés «La Rivière» ; L’école Orthogénique de Chicago et B. Bettelheim ; et plus succintement P. Stagnara : «Centre de réadaptation fonctionnelle des Massues») : Chapitre C.6. «Passage générationnel, écrasement de la temporalité et filicide». Nous avons poursuivi ces exposés de clinique institutionnelle à partir du mouvement du «parricide», et de différentes situations («Un hôpital et son directeur d’hôpital «révolutionnaire» ; « Un service social en morceaux» ; Un institut de Formation «Pygmalion» intempérant», Monsieur «C») : Chapitre C.7. «La «tentation révolutionnaire» et l’effacement de l’histoire». Nous avons ensuite exploré le fonctionnement d’une institution en dehors d’une période de changement de directeur, ceci de manière à dégager les constantes concernant le rapport des institutions à la temporalité : Chapitre C.8. «L’angoisse d’une transmission catastrophique - »Les Terrasses»«. Puis revenant à une institution dont il avait été question dans la première partie, nous avons tenté d’établir un modèle de compréhension du travail psychique requis des institutions et notamment du lien entre la pensée et le méta-organisateur oedipien : Chapitre C.9. «Le «scénario matriciel » et le méta-organisateur oedipien».

Au cours de ce trajet, nous avons été amené à affiner les hypothèses initiales et à formaliser le travail psychique des institutions dans les termes suivants en C.1.1.4.

Les institutions du soin et du travail social sont à même de faire barrage à la déliaison mortifère, tout en se maintenant vivantes et productrices de soin, lorsqu’elles sont en mesure de générer (tout à la fois au niveau des usagers et au niveau des professionnels)

Le travail psychique des institutions concerne donc un travail d’historisation, et un travail de liaison et de transformation dans et par la pensée.

À propos du pôle hiérarchique et afin de travailler nos énoncés initiaux, en C.1.3. nous avons avancé que : les directeurs et les responsables institutionnels réfèrent à cette place et participent de cette fonction de méta-organisateur oedipien. Ces places, et leurs occupants se retrouvent sur-déterminés sur les registres imaginaires et symboliques. Ils vont dès lors servir de butées et simultanément constituer des points de convergence de la violence institutionnelle.

En C.2.3.1. nous avons proposé de considérer que : la configuration psychique institutionnelle suppose l’actualisation de différents mouvements dynamiques, qui sont autant de déclinaisons de l’assomption des signifiants des «Noms- du -père », ou en d’autres termes de l’assomption symbolique du méta-organisateur oedipien. Cette configuration suppose donc :

En C.5.2. nous avons repris les hypothèses posées en introduction, et souligné le fait que lors des passages généalogiques, les institutions ne sauraient se dérober à choisir entre emprise et «consentement à ce que ça échappe», entre rendre captif le mouvement de l’histoire ou laisser ouvertes les potentialités du futur au travers des transformations que seraient en mesure de mettre en oeuvre les héritiers.

En C.5.2.2. nous avons interrogés la violence en acte des directeurs contre la temporalité et avons proposé de caractériser les dynamiques institutionnelles à partir des agirs meurtriers qui se jouent sous les modalités de l’éradication de l’histoire (écrasement, immobilisation, effacement), et de la «disqualification de la professionnalité » ; ceci, soit vis-à-vis de la filiation - ce qui réfère à la figure du «filicide », soit vis-à-vis des ascendants - ce qui réfère alors à celle du «parricide ».

Nous avons vu que ces dynamiques procèdent à partir des positions subjectives occupées par les directeurs des institutions et les effets instituants et/ou destructeurs qu’elles opèrent à partir :

Nous avons alors reformulé ces mouvements dont la diachronie institutionnelle est le lieu.

La violence que les directeurs mettent en acte se joue massivement sous la forme d’une éviction de l’historicité, selon deux modalité essentielles :

Au terme du chapitre C.9. (en C.9.4.2.) nous avons éprouvé la nécessité de rassembler notre compréhension du lien entre la pensée et la fonction du méta-organisateur oedipien :

Le travail de subjectivation (le travail de la pensée dans son versant élaboratif) requis des groupes professionnels dans la réalisation de leur tâche primaire peut être considéré à partir de la transformation du rapport au fantasme et à l’imago et de leurs liens à la généalogie. Partant d’une position de méconnaissance-jouissance, relativement au fantasme et à la pulsionnalité qui le nourrit, ce processus travaille à la révélation-sublimation. Le lien au méta-organisateur oedipien, nous paraît seul à même d’autoriser un tel travail (de subjectivation) dans la protection qu’il offre contre la dé-différenciation, pour autant que ce garant (porteur de la marque « du père ») soit lui-même référé à l’ordre des générations et soumis à la loi.

La reconnaissance d’une ascendance et la promesse d’une génération à venir établissent un ancrage symbolique. C’est depuis cet arrimage et à partir de la marque du manque que la généalogie participe au travail de la pensée, et aux travail humanisant de la subjectivation .