C.10.1.3 Mettre fin à l’histoire ou «quitter le passé pour mieux le retrouver»

Une telle interrogation de l’enflure narcissique signe un mouvement de dévoilement de ce point, maintenu habituellement en position de méconnaissance. L’ensemble des professionnels (au sein des institutions) se nourrit en effet de la brillance de ces directeurs qui briguent une visibilité et une prestance sociale, au travers de la renommée de l’institution à la destinée de laquelle ils s’imaginent présider.

Là où le sujet s’enferre dans son narcissisme, il ne veut rien savoir de la généalogie, de la génération et de la limite qu’elles viennent lui signifier. Composer avec l’histoire, c’est consentir aux héritages qui s’y déploient, au vu de se les approprier et de les transformer (J. Hassoun 1994591). Se différencier et se relier, se savoir héritier et père fécond : c’est à ces conditions que les groupes de professionnels prennent place de façon suffisamment pacifiée, dans la génération. La complétude doit se dérober et rester la visée inaccessible qui aiguillonne le désir.

C’est à partir du manque que les générations précédentes tentaient de réduire (de l’écart entre le «Je» et son idéal, prêté à ses «objets»), que les nouveaux venus sur la scène (institutionnelle) vont avoir à soutenir leur visée. Le trajet consiste à se rapprocher de ce point de coïncidence que d’autres avant eux ont poursuivi, et dont l’atteinte ne saurait être que différée, indéfiniment (P. Aulagnier592), ne saurait se situer qu’«en avant de nous» (R. Char). C’est ce mouvement que le mensonge narcissique recouvre de sa clôture. D»’illusion groupale» en «obsession de la plénitude», il donne alors à entendre que la complétude a déjà eu lieu, que c’est le passé qui a réalisé ce qui dès lors n’incombe plus aux générations futures. Il ne reste plus à ces générations qu’à se transformer en épigones de ces pères parvenus en position de sacralité. C’est là le mouvement même de la violence du filicide : dérober le futur aux générations qui montent.

Du fondateur (dont l’attachement narcissique à «son» institution comme «objet» et la violence d’emprise se révèlent à l’occasion de son départ) au fils tyran et révolutionnaire (meurtrier de ses pères au travers de son déni), une même folie tenaille les directeurs : celle d’être celui qui va parvenir à faire cesser la tension désirante (et le conflit dont elle se fait le lieu entre satisfaction narcissique et investissement objectal). Un même fantasme les menace, et menace les groupes professionnels avec eux : celui qui prétend mettre fin à l’histoire.

Notes
591.

«Une transmissionnotion transmission notion transmission notion transmission notion transmission notion transmission notion transmission notion transmission notion transmission réussie offre à celui qui la reçoit un espace de liberté et une assise qui lui permettent de quitter (le passé) pour (mieux) le retrouver. Quitter les pesanteurs des générations précédentes pour retrouver la vérité subjective de ce qui comptait vraiment pour ceux qui avant nous ont aimé, désiré ou souffert pour un idéalnotion idéal notion idéal notion idéal notion idéal notion idéal notion idéal notion idéal notion idéal , n’est ce pas ce que nous pourrions appeler un parcours de transmission réussi ?» (Jacques Hassoun (1994 a), Le sujet, entre appartenance et différence - Revue Turbulence, L’autre N° 1, Éditions du Serpaton, p. 55).

592.

«Entre le Je futur et le Je présent doit persister une différence, un x représentant ce qui devrait s’ajouter au Je pour que les deux coïncident. Cet x doit rester manquant : il représente l’assomption de l’épreuve de castrationnotion castration notion castration notion castration notion castration notion castration notion castration notion castration notion castration dans le registre identificatoire et il rappelle ce que cette épreuve laisse intact : l’espoir narcissique d’une auto-rencontre, toujours différée, entre le Je et son idéalnotion idéal notion idéal notion idéal notion idéal notion idéal notion idéal notion idéal notion idéal qui permettrait la cessation de toute quête identificatoire. C’est donc un compromis que le Je signe avec le temps : il renonce à faire du futur ce lieu où le passé pourrait revenir, il accepte ce constat, mais il préserve l’espoir qu’un jour ce futur lui redonnerait la possession d’un passé tel qu’il le rêve.» (Piera Aulagnier (1975), La violence de l’interprétationnotion interprétation notion interprétation notion interprétation notion interprétation notion interprétation notion interprétation notion interprétation notion interprétation - Paris, Puf, p. 197).