D.1.2.1 En est-il «un» en place de renoncer à la possession ?

Si «Totem et tabou» énonce comment les fils fabriquent du père dans la mort donnée, «le sacrifice d’Abraham » témoigne comment un père fabrique du fils dans le renoncement à son pouvoir de mort.

Au travers de son histoire et du processus d’historisation dont elle est le lieu, l’institution pose cette même question de l’emprise ou du consentement à la génération. Celle-ci réfère à la question du «don », de la limite et de la loi. Le travail de la subjectivation se trouve corrélé à la réponse à ces interrogations.

Il n’est aucune place dans la structuration psychique des institutions, ni dans le déroulement diachronique qui soit en mesure de préserver les sujets de la confrontation à la tentation incestueuse. Si les changements généalogiques sont l’opportunité d’une ouverture, d’une redistribution des configurations antérieures, à l’occasion de ces bouleversements la jouissance phallique et narcissique et la violence mortifère peuvent être entrevus et se trouver en potentialité de remaniement et de transformation. À chaque génération - de même que lors des changements structuraux qui touchent aux arrimages symboliques et agissent comme des marqueurs de la temporalité - un même questionnement refait surface : En est-il «un» en place de renoncer à se prendre pour l’origine ? En est-il «un» à même de garantir l’interdit de la confusion incestueuse ?

En analogies avec ce qu’il en est pour le «Je» dans son cheminement subjectivant, les groupes professionnels ont à composer avec la mort, à se confronter à leur propre finitude et à consentir à l’assomption humanisante de la castration. Dans le travail de la civilisation reconduit en toute structure institutionnelle, Thanatos réclame sa part de l’ouvrage. Tout groupe institutionnel se trouve ainsi face au choix de perpétuer le «sacrifice meurtrier», ou de mettre en oeuvre le «sacrifice du sacrifice», de choisir entre la jouissance (du trauma et celle du meurtre), ou le renoncement et le consentement à la temporalité.

Au sein des institutions et au travers des changements qui émaillent leur histoire, l’enjeu majeur demeure celui d’autoriser le flux de l’histoire, de consentir à la temporalité et à la généalogie. L’emprise peut alors céder le pas à la maîtrise, l’origine échapper à chacun, l’histoire et la pensée se déployer et se donner en partage.