1.1.1 La cloche en tant qu’objet

La cloche est un objet qu’il convient de définir de façon relativement précise afin de bien circonscrire les limites de notre recherche. Tout d’abord d’un point de vue musicologique, une cloche est un idiophone, c’est-à-dire un instrument auto-résonnant dans lequel le son une fois émis s’entretient lui-même pendant un certain temps. Il suffit en effet d’un coup frappé à l’aide d’un battant ou d’un marteau, c’est-à-dire intérieurement ou extérieurement, pour que la vibration sonore débute. La durée de vibration est directement fonction de la taille et donc de la masse de la cloche. Pour la Gloriosa, bourdon d’Erfurt (Allemagne, datant de 1497 : voir fig. 1), cette vibration dure près de 5min. La cloche ne peut cependant se définir uniquement comme un idiophone. En effet, il convient de prendre en compte sa taille, sa forme et sa composition métallique. Nous insisterons donc sur la taille minimale d’une cloche, mais également sa forme, sa composition et une ou plusieurs de ses fonctions dans le cadre de notre étude. Nous n’incluons pas dans cet exposé les sonnailles de troupeau qui sont des instruments qui n’ont que peu de rapport du point de vue fonctionnel et musicologique avec les cloches.

Sur la question générale de la taille, la plus petite cloche qui peut vraiment servir à appeler les fidèles au loin mesure environ 25cm de diamètre. La portée de cet objet peut être évaluée à plusieurs centaines de mètres dans un milieu peu bruyant. Il ne semble en effet pas possible d’utiliser une cloche pour convoquer des gens avec un instrument de taille inférieure : dans ce cas-là, la portée est insuffisante.

La forme de la cloche est difficile à définir par des termes géométriques simples. On ne peut pas la réduire à la forme d’un simple cylindre. Cependant, nous pouvons la décrire sous la forme d’un tronc de cône fermé à son extrémité la plus étroite. Ce tronc de cône est la forme de base que les fondeurs modifient afin d’obtenir plusieurs harmoniques et donc un son harmonieux. On distingue plusieurs parties : on trouve de bas en haut (voir fig. 28) la pince, zone de frappe du battant, puis la faussure, ensuite la robe qui est un véritable tronc de cône, enfin le cerveau qui est surmonté des anses.

Concernant la composition métallique de la cloche, il ne faut pas s’arrêter à la seule description de la technique du moine Théophile. Il nous indique que les cloches doivent être fabriquées en bronze composé de 80% de cuivre et 20% d’étain (voir 2.2.2.1). Cette composition est à peu près celle qui est encore utilisée de nos jours (78% Cu, 20%Sn). Des instruments en fer ont été inventoriés et sont des cloches à part entière même si leurs qualités sonores sont bien inférieures à celles des cloches de bronze. La cloche est un instrument métallique de fer ou de bronze mais en aucun cas de bois. Il existe en effet dans le monde orthodoxe, dans les monastères des monts Météores en particulier, un autre instrument utilisé durant le temps pascal : le simandre. Il s’agit d’une simple planche de bois, c’est-à-dire un idiophone, que l’on frappe pour convoquer les moines aux offices. Cet instrument, de même fonction que la cloche, ne peut en aucun cas lui être assimilé.

La cloche possède deux fonctions majeures : les appels religieux aux offices et la transmission d’informations publiques. Dans le dernier cas, elles concernent les sonneries d’alerte ou tocsins et les sonneries horaires qui sont des pratiques relativement récentes. Une dernière fonction importante apparaît avec l’amélioration des qualités sonores. La cloche devient un véritable instrument de musique. La cloche, en tant qu’objet individuel, est alors une simple partie d’un instrument plus complexe, le carillon. Cet instrument est principalement connu pour les Flandres mais se retrouve peu ou prou dans l’ensemble de l’Europe. Pour comparer, prenons l’exemple du carillon et du piano : la cloche peut alors être assimilée à l’une des cordes de ce piano.

En résumé, la cloche est donc un idiophone métallique (fer ou le plus souvent bronze) de forme globalement tronconique, fermé à son extrémité la plus étroite, que l’on peut suspendre. Son diamètre minimal est d’environ 25cm. A ce sujet, on ne peut véritablement donner de valeurs maximales. La plus grosse cloche du monde a été réalisée au XVIIIe siècle en Russie. Baptisée Tsar Kolokol III (Reine des cloches III), elle mesure environ 7,5m de diamètre (poids : environ deux cents tonnes).

Le statut juridique de la cloche dans le cadre de la législation sur les Monuments Historiques (loi de 1913 en particulier) la considère un objet mobilier par nature, car on peut la déplacer, et immobilier par destination car elle est fabriquée pour un édifice particulier.