1.3.2.1.Les ouvrages destinés aux spécialistes

Des différents ouvrages que nous pouvons utiliser pour connaître les techniques de fabrication des moules de cloche et en fait des cloches elles-même, un seul est véritablement daté du Moyen Age. Il s’agit du manuel du moine Théophile (ou Roger de Helmarshausen), Schedula diversarum atrium, c’est-à-dire essai sur divers arts, daté des environs de 1120. Cet ouvrage capital ne traite pas uniquement de la fabrication des cloches mais de la fabrication de tout objet contribuant à l’ornementation des églises. Il traite également des autres arts décoratifs, comme les fresques qui peuvent être figurées sur les parois des nefs. Ce traité est majeur dans l’histoire des techniques artistiques et en particulier de celles de l’art campanaire car il nous indique avec précision les techniques privilégiées durant le Moyen Age. La traduction utilisée est la dernière publiée en français, c’est-à-dire celle du chanoine J.J. Bourasse (THEOPHILE, 1980). Cette traduction est malheureusement assez ancienne : elle remonte aux années 1880 et l’ouvrage utilisé n’en est qu’une réédition. Nous avons donc également consulté le travail de Hawthorne et Smith (HAWTHORNE et SMITH, 1963) qui a l’avantage d’être plus récent. Plusieurs exemplaires du manuscrit sont conservés : deux exemplaires à Londres, un à Paris, un à Berlin, un à Leipzig. Tous les exemplaires ne comportent pas la section consacrée aux cloches. Seuls les exemplaires de Londres et de Leipzig la conservent.

Le deuxième ouvrage date des environs du milieu du XVIe siècle et provient du domaine tchèque. Il est la réalisation d’un fondeur nommé Vavrineck Kricka et s’intitule Mathesis Bohemica (Encyclopédie de Bohème). Cet ouvrage n’a pu être totalement exploité car il est écrit en tchèque ancien. S’il a bien été publié en 1947 (PISEK, 1947), l’édition ne comporte qu’un court résumé en français et en anglais et le texte intégral en tchèque moderne. L’intégralité des figures liées à l’art campanaire est reproduite, permettant une compréhension des techniques décrites en détail dans le texte.

Le troisième ouvrage est beaucoup plus récent et il s’agit sans doute d’un des ouvrages majeurs pour la compréhension des techniques de fabrication des cloches. La Nouvelle Pyrotechnie de Philippe Cavillier, fondeur de Carrépuis dans la Somme (près de Roye), a été rédigée en 1726 pour l’exemplaire que nous transcrivons en annexe I. Philippe II Cavillier (1676-1753) a rédigé cet ouvrage pour expliquer la technique de la fabrication des cloches à son fils Florentin Ainé (1721-1769). Quatre exemplaires de ce manuscrit sont connus. Ils étaient destinés aux quatre fils de Philippe dont deux seulement ont poursuivi la fabrication des cloches. Deux manuscrits sont actuellement connus et localisés précisément. Ces deux manuscrits ont en effet été achetés en 1892 à Adolphe Cavillier, dernier descendant de Florentin Ainé (voir la généalogie en annexe Ia) par Ferdinand Farnier. Ils sont aujourd’hui la propriété des descendants de ce dernier. La famille Cavillier a débuté sa production campanaire à la toute fin du XVIe siècle (Roger Cavillier, né en 1548 et mort en 1629). Ses fonderies de cloches se sont éteintes en 1913 à la mort de Xavier.

Ces manuscrits, par leur nature -ouvrage d’un homme de l’art-, sont de première importance. Ils ne portent pas tous le même titre puisque le plus récent, qui date de 1740, est intitulé L’Œuvre campanale. L’exemplaire que nous avons consulté est constitué de deux cent trois pages, agrémentées de vingt figures. Il est écrit à l’encre sur un papier de bonne qualité et dans un bon état de conservation. L’écriture est très lisible. Les figures sont instructives et très finement dessinées. Nous avons réalisées les photographies des figures.

Pour terminer, nous pouvons citer le manuel Roret (LAUNAY, 1827), manuel technique issu d’une collection destinés aux écoles techniques. Le volume consacré à la fonte des cloches est le travail de Jean-Baptiste Launay, fondeur d’art et non fondeur de cloches. Ceci l’amène à écrire de nombreuses contre-vérités et son ouvrage ne nous est donc d’aucun secours. Parmi ces erreurs, nous pouvons signaler l’une des plus caractéristiques : il considère par exemple que le son des cloches n’est en aucun cas tributaire du profil ou de l’alliage. De plus, les figures qu’il présente sont des copies assez médiocres des planches de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert (voir ci-après en 1.3.2.2).