1.3.3.2 Représentativité des corpus

L’inventaire présenté ci-dessous se veut exhaustif même s’il est certain qu’il ne peut l’être. A cela, nous pouvons donner des explications assez aisées. Pour ce qui est des cloches anciennes, le problème est double. D’une part, pour les cloches inventoriées, dont nous avons connaissance, l’accès n’a pas toujours été possible (voir les méthodes de relevés ci-dessus en 1.3.3.1.2). D’autre part, l’inventaire général complet des cloches de France reste à faire. Il est actuellement très partiel. La S.F.C. regroupe toutes les personnes œuvrant en ce sens dans leur région, mais la plupart de ces personnes sont bénévoles. L’inventaire avance donc très lentement et l’on peut estimer qu’après vingt ans de travail, il regroupe environ neuf mille cloches sur les trois cent mille que compte l’ensemble de la France (évaluation due à la S.F.C.). Beaucoup de cloches ne sont pas connues, et donc appartiennent potentiellement à la période qui nous intéresse. Dans ce tableau, les cloches de certaines régions ou départements peuvent être considérées comme totalement inventoriées ou sont en passe de l’être. Ce sont en particulier le Puy de Dôme (ALEIL et CRAPLET, 1995), le Maine et Loire (travail de D.E.A. de Thierry Buron 51 ) et les Landes (mission de Vincent Matéos auprès du Conseil Général). L’Hérault possède également un inventaire récent dû à l’abbé Jean Giry. Dans les Pyrénées-Orientales, les travaux de Louis Ausseil ont regroupé une grande partie des données qui ont été publiées dans DARASSE et PIE, 2000, reprenant largement AUSSEIL, 1986. Dans d’autres départements, nous disposons d’inventaires certes complets ou presque, mais anciens qui n’ont pas été tenus à jour. C’est en particulier le cas de l’Isère (VALLIER, 1895). Un certain nombre de cloches présentées dans cet ouvrage (par exemple celle de St Laurent de Grenoble du XIVe siècle) n’existent plus, ayant parfois été refondues dans la seconde moitié de ce siècle (cloche du XIVe siècle de Venosc).

Pour conclure sur ce sujet, l’inventaire général des cloches de France, toutes périodes confondues, reste donc à faire et ne peut être l’œuvre d’une seule personne compte tenu du volume de travail que cela représente… Sur la base des visites que nous avons effectuées dans les clochers de France, nous pouvons proposer une évaluation du nombre de cloches médiévales non répertoriées existant en France. Sur les trois cent mille 52 cloches françaises, nous en avons vu environ trois mille (soit 1%). Parmi ces trois mille pièces, nous avons trouvé deux cloches totalement inconnues : la cloche 2 de Géhée (36) et la cloche de l’Hôtel-Dieu du Puy-en-Velay (43). On pourrait donc évaluer le nombre de cloches potentiellement inconnues à deux cents. Cependant, nous préférons prendre une évaluation basse d’environ cent cloches non connues. Il faut noter que les deux cloches que nous avons découvertes ou qui nous ont été signalées sont fort anciennes. Il est donc possible que les cloches inconnues soient majoritairement des cloches anciennes au regard de notre domaine d’étude, sans doute antérieure au XIVe siècle. Si cette hypothèse est correcte, un inventaire complet permettrait un rééquilibrage relatif des données en faveur des périodes anciennes. Outre le recrutement de plusieurs chercheurs, un inventaire général implique une clarification juridique du statut des cloches et clochers afin d’en faciliter l’accès.

Pour une étude statistique sous l’angle chronologique, un autre problème se fait jour : la surreprésentation des périodes récentes (tableau 1 : distribution chronologique des cloches). Cette surreprésentation permet d’envisager de véritables études statistiques sur ces périodes (XVe siècle en particulier, avec trois cent cinquante-huit pièces). Par contre, pour les périodes les plus anciennes (XIIIe et XIIe siècle même si ce dernier n’est pas connu par des cloches datées), les statistiques ne sont pas envisageables du fait du trop faible nombre de spécimens (trente pour le XIIIe siècle et sept antérieures à cette période). De plus, la décoration des cloches anciennes étant souvent pauvre voire inexistante, les données disponibles pour chaque pièce sont moins nombreuses. L’analyse statistique est donc plus d’autant plus délicate.

D’un point de vue statistique, on peut estimer que la représentativité générale de notre inventaire est bonne et que les statistiques sont assez fiables car portant sur un grand nombre de pièces.

Concernant les moules de cloches, la situation est totalement différente. Dans ce cas, en effet, nous sommes tributaires des fouilles d’église et de leur publication. De plus, lorsque l’intervention archéologique se limite à quelques sondages, il n’est pas évident que les structures campanaires soient rencontrées ou complètement fouillées. L’étude de ces structures est encore un phénomène rare et elles ne sont souvent pas considérées comme le témoin d’une activité majeure de l’édifice. Pourtant, à l’instar d’une campagne de construction, la réalisation d’une cloche est une phase importante d’embellissement (sonore) de l’édifice. Le réflexe n’est pas encore pris d’étendre la fouille pour pouvoir observer la structure campanaire complète lorsqu’elle est rencontrée en bordure de sondage. La présence d’une structure campanaire est encore quelquefois ressentie comme une perturbation des structures d’occupation 53 et non comme une phase d’occupation à part entière.

Pour établir la liste des ateliers de fonte découverts, nous avons utilisé les chroniques d’Archéologie Médiévale. Or la découverte d’une structure campanaire n’est pas toujours relatée dans ces courts résumés d’opération. Le « four de cloche » est l’un des descripteurs utilisés par la carte archéologique et permet donc de compléter la liste issue du dépouillement d’Archéologie Médiévale. Nous parvenons ainsi à une image assez complète des structures campanaires découvertes en France. Nous pouvons dire qu’il est complet à 90% environ 54 et donc, que les lacunes telles que nous pouvons les évaluer ne mettent pas en cause la validité d’une analyse statistique.

Pour ce qui est des archives qui nous ont principalement fourni des données sur les fondeurs eux-mêmes, le travail que nous présentons ici ne se veut en aucun cas complet. Il présente simplement des pistes de recherche ultérieures. Il s’est limité à un recensement de documents disponibles (souvent publiés) que nous n’avons pu consulter faute de temps. Des disproportions géographiques importantes existent donc tant pour l’origine des fondeurs que pour leurs lieux d’exercice. Nous devons les garder à l’esprit lors de notre analyse.

Notes
51.

Bien que n’étant pas uniquement un inventaire, ce travail regroupe un grand nombre de données sur les cloches de ce département.

52.

Ce chiffre inclut les carillons qui regroupent de grandes séries de cloches récentes.

53.

Sols d’occupation, inhumations…

54.

Nous tenons à remercier ici tous les archéologues qui nous ont permis l’accès au matériel découvert lors de leurs fouilles.