Les points abordés dans les différents articles et publications que nous venons de citer sont de plusieurs ordres. Le plus souvent (voir par exemple LEROUX, 1991, BONORA, 1975...), les études se limitent à une présentation des structures découvertes et à un descriptif de la technique de fabrication du moule. Plusieurs techniques de fabrication des moules peuvent être distinguées 79 : le moule « Théophile », modelé sur un axe, puis allégé par enlèvement de matière à l’intérieur du noyau ; le moule « Kricka » façonné directement dans sa position de coulée, à l’aide d’un gabarit ou planche à trousser sur une âme de briques. Dans le cas du moule du moine Théophile, il peut y avoir une variante selon que le profil est façonné à la main suivant la description du moine lui-même ou à l’aide d’un gabarit selon celle de Biringuccio. Les moules décrits pour la période médiévale sont généralement tous rattachables à la technique décrite par le moine Théophile. Il ne semble donc pas que la technique décrite par Kricka au XVIe siècle pour qui le moule est construit directement au fond de la fosse se soit répandue en France avant cette publication.
Certains sites ayant fait l’objet d’études poussées sur les questions qui nous préoccupent ici présentent un intérêt particulier compte tenu des vestiges découverts : ainsi, à St André de Sarzana (BONORA, 1975) comme à Caen (LEROUX, 1991), plusieurs moules semblent avoir permis une coulée conjointe, ce qui nous indique une technique déjà élaborée et interdit le recours à une fonte à l’aide de creusets.
Le cas des ateliers anglais est assez différent de celui des ateliers des autres pays européens. En effet, dans trois cas au moins (York, Salisbury et Deansway), les ateliers étudiés ne sont pas des ateliers temporaires établis dans des églises mais de véritables usines. Il semble que les fondeurs se sont sédentarisés très précocement dès le XIIIe siècle dans ce pays, sans doute du fait d’une urbanisation plus importante que dans les autres pays. Cela permettait donc à un fondeur sédentaire de vivre sans trop de difficultés.
La publication des fouilles de l’atelier moderne (XVIIe siècle) de l’église San Rocco de Lugano (DONATI, 1981 : voir fig. 8) présente une installation qui a été découverte dans un état de conservation exceptionnel. La fosse de coulée où le moule se trouvait lors de la fouille était bâtie afin de contenir les terres. Dans ce cas particulier, la technique de remontée et de descente du moule a pu être clairement établie grâce aux remplissages stratigraphiques : le moule a été remonté en remblayant progressivement par en-dessous et en tournant. Cette technique était sans doute la plus utilisée mais n’a laissé que peu de traces.
L’étude de l’atelier de Vreden (DRESCHER, 1999), fouillé en 1945 et étudié dans les années 1990, est très instructive sur le type de profil qui a pu être utilisé. De plus, la restitution a été poussée le plus loin qu’il est possible puisqu’elle a abouti à la réalisation de copies des cloches aujourd’hui disparues par la fonderie Rincker de Sinn (Hesse, Allemagne). Dans le même type d’études poussées à leur point ultime, nous pouvons signaler le cas des cloches de Mayence datant également du Haut Moyen Age (DAS REICH DER SALIER, 1992). Cette restitution finale accompagnée de l’analyse métallurgique des fragments et éléments de bronze retrouvés est capitale car elle permet la véritable restitution d’un univers sonore. Cette étude détaillée n’est malheureusement pas présentée dans DRESCHER, 1999.
Les études peuvent s’axer de façon dominante sur les fragments de moules et les profils que l’on peut en tirer. Seuls quelques chercheurs ont pu privilégier cet axe de recherche, la mauvaise conservation des fragments de moule étant un facteur limitant qui empêche souvent cette réflexion. A Vagnas (fig. 6 ; LAFORGUE, 1970), le fouilleur a ainsi pu restituer de manière fiable le profil et également l’inscription. Il s’agit d’un véritable cas d’école au vu de la conservation exceptionnelle des fragments de moules (voir fig. 619). Dans d’autres cas, la restitution du profil du moule a également été possible : FIXOT et BARBIER, 1983, LANGOUET, 1983... Ce dernier profil est extrêmement évasé et correspond plutôt au profil d’un braillard (voir par exemple la cloche de Chalon-sur-Saône). Dans le cas de San Rocco de Lugano (DONATI, 1981), la cloche fondue dans cet atelier est encore conservée et la restitution n’est donc pas nécessaire.
Les deux techniques différentes sont présentées en détail en 2.2.2.