2.1.2.3.2 Les cloches de bronze

La seconde catégorie de cloches du Haut Moyen Age est celle des cloches de bronze coulé. Elle est beaucoup plus importante car elle annonce les progrès futurs de l’art campanaire. On connaît six exemplaires de ce groupe : Géhée (36, cloche 2), Le Puy-en-Velay (43), Fleury (45), Oldenburg (Holstein, Allemagne), Haithabu (Holstein, Allemagne) et Canino (Campanie, Italie). Cette dernière, retrouvée lors de fouilles archéologiques (ROHAUT DE FLEURY, 1888), date sans doute du IXe siècle. Celles d’Haithabu, d’Oldenburg (DAS REICH DER SALIER, 1992) et de Fleury, également retrouvées en fouille, datent du Xe siècle. Les deux autres sont mal datées. Ces cloches n’ont été que peu étudiées jusqu’à présent 143 .

Il convient d’ajouter également les restitutions de profil qui sont possibles à partir des structures campanaires découvertes. Pour cette période, la seule restitution disponible pour la France est celle de la cloche d’Alet (35).La datation par radiocarbone fournie pour ce site se situe dans une fourchette assez large : entre 720 et 1190 de l’ère commune (LANGOUET, 1983). Nous observerons également les restitutions des cloches de Vreden (Allemagne) datées de la fin du IXe siècle (DRESCHER, 1999). Aucune datation archéométrique n’a été réalisée sur les vestiges découverts sur ce site et la datation demeure donc peu précise.

Nous nous penchons également sur la cloche qui est représentée sur le recto du folio 2 du manuscrit 20 de la Bibliothèque municipale de Boulogne-sur-Mer (voir fig. 2 et annexe II). Le psautier d’Otbert 144 où elle figure sur le deuxième folio est daté entre 987 et 1023, années d’abbatiat de ce religieux, c’est-à-dire des environs de l’An Mil.

Ces cloches sont toutes de dimension relativement limitée, montrant sans doute que les techniques pour produire de grandes pièces n’étaient pas encore totalement maîtrisées. La plus grande des cloches que nous avons observées (à l’exception de celle de Canino dont les dimensions ne sont pas publiées) est celle de Géhée (36) : elle ne mesure que 49cm de diamètre et 48cm de hauteur 145 . La plus petite est celle d’Oldenburg (Holstein), qui mesure 23,4cm de diamètre pour 21,4cm de hauteur. Ces cloches sont donc relativement légères, d’autant plus que les profils sont fins ou légers 146 (voire ultra-légers) : la plus grosse dont nous connaissons le poids, celle de Haithabu (42,5cm de diamètre), pèse environ 25kg. On est donc très loin des grandes cloches que nous rencontrons à partir de la fin du Moyen Age et qui pèseront plusieurs tonnes 147 . Ces cloches du Haut Moyen Age sont donc facilement mises en balancement par un seul homme et ne nécessite pas de bâtiments très puissants pour résister aux chocs provoqués par le balancement. Elles peuvent prendre place dans des niches assez peu importantes, sans que la maçonnerie ne nécessite des renforts particuliers.

Les sept (neuf en prenant en compte la restitution d’Alet et la représentation de Boulogne) cloches de notre corpus et qui peuvent être rattachées au Haut Moyen Age forment trois ensembles si on observe leur profil. Nous les baptisons par facilité types A, B et C. Ces trois dénominations recouvrent peu ou prou des ensembles chronologiquement distincts.

Parmi les décors et inscriptions, nous pouvons distinguer quatre groupes qui se distribuent dans les différentes catégories de profils : le type 0 est caractérisé par l’absence de décor ou la présence de simples filets ; le type 1 ne présente qu’une inscription alors que les cloches de type 2 n’ont sur leur surface que des décors. Le type 3 est orné à la fois de décors et d’inscriptions. Les trois premiers types sont les seuls qui se rencontrent dans les périodes les plus anciennes dont nous discutons ici. La présence d’une inscription ou d’un décor n’est pas exclusive de la présence de filets. Ces derniers sont mêmes présents de façon presque systématique. Le plus souvent, ils ne sont pas ouvragés. Ils font donc partie du profil plutôt que du décor.

Nous présentons également les apports des textes au sujet des inscriptions et des propriétés sonores des cloches. Si ces apports sont faibles, ils sont néanmoins importants dans le cadre du faible corpus dont nous disposons.

Notes
143.

Pour la cloche de Fleury : BERLAND, 1975 ; pour celle du Puy-en-Velay : GALLAND, 2000. La cloche de Géhée a été découverte lors de nos travaux d’inventaire et n’est donc pour l’heure pas publiée.

144.

Ce manuscrit n’est pas publié intégralement. Il est signalé et étudié pour ses seules lettrines dans GRODECKI et al., 1973 entre autres.

145.

Compte tenu de la longueur de son inscription, il est possible que la cloche de Canino soit un peu plus grande.

146.

Dans la pratique actuelle des fondeurs, on considère trois grandes familles de profils selon leur épaisseur : les profils lourds, les profils moyens et les profils légers. La variation d’épaisseur générale permet d’avoir, à diamètre équivalent, une note plus ou moins aiguë.

147.

La plus grosse cloche de notre étude est la cloche des heures de la cathédrale de Perpignan (66) qui mesure 2,02m de diamètre et pèse plus de 3 tonnes.