2.2.2.2.1 Les techniques d’après les moules de cloche

2.2.2.2.1.1 Fabrication des moules de cloche

Sur les vestiges de moules de cloche, les éléments qui permettent d’identifier les techniques sont peu nombreux et relativement ténus 267  :

  1. enlèvement de matière sur la paroi intérieure des fragments de moule interne. Cet élément permet d’identifier un moule fabriqué de façon certaine selon la technique du moine Théophile. Un tel enlèvement ne peut être opéré sur les moules de type « Kricka » dont l’âme du noyau est faite de briques ;
  2. présence d’un bâti de briques. On peut ainsi distinguer un moule fabriqué selon la technique « Kricka ». Un moule de type « Théophile » repose sur un alandier de pierre destiné à permettre le séchage du moule en ménageant un conduit. Le noyau est entièrement construit en argile cuite. Le moule de type « Kricka » est par contre construit sur un profil rudimentaire de cloche sans détail réalisé en briques qui soutiennent la tenu du moule lui-même ;
  3. présence de filets sur l’empreinte du moule externe. La présence d’un tel détail, en particulier sur les structures entièrement en argile (donc relevant de la méthode du moine Théophile), nous autorise à dire que le moule a été fabriqué à l’aide d’un gabarit, donc selon la méthode décrite par Biringuccio. Cette méthode est également sans doute celle décrite par V. Kricka ;
  4. présence des vestiges de l’axe du gabarit. Dans certains cas (en particulier le moule du XVIIIe siècle de l’église Saint Georges de Vienne), la fouille livre les vestiges d’un pieu situé au centre du noyau. Ces vestiges sont normalement carbonisés. Il s’agit des restes de l’axe sur lequel s’appuyait le gabarit. Dans ce cas, le moule a donc été façonné à l’aide d’un gabarit selon la méthode « Kricka ». Pour l’identification de la technique de fabrication, cet élément est sans doute le plus fiable de ceux que l’on peut observer. Assimilable à cet argument, nous pouvons signaler la disposition du moule dans la fosse de coulée : par exemple, l’un des moules de Salaise sur Sanne (38, voir fig. 21) repose non pas directement sur le sol mais sur un alandier formé d’un canal délimité par deux murets bas. Ce dispositif autorisait le séchage intérieur de la structure et une telle disposition nous indique que le moule a forcément été construit selon les préceptes du moine Théophile.

Compte tenu des éléments que nous venons de présenter, il est envisageable, à partir des investigations de terrain menées dans le cadre de notre D.E.A. d’affiner l’évolution chronologique entre les différentes techniques. En effet, les textes que nous avons indiqués précédemment sont des informations très ponctuelles du point de vue temporel. L’étude détaillée et l’attribution technique des différentes structures campanaires à grande échelle (il faut envisager une échelle européenne) permettraient de lire l’évolution tant chronologique que spatiale et donc d’indiquer la ou les zones d’avancée technique et de préciser la chronologie de ces avancées.

D’un point de vue statistique, pour les moules que nous avons étudiés (quart sud-est de la France), la répartition est assez égale : quatorze ont été fabriqués selon la technique du moine Théophile, sept selon celle décrite par Cavillier (ou Kricka pour les grosses pièces), et douze sont indéterminés. Les sept moules fabriqués selon la technique de Kricka sont des moules modernes, les plus anciens datant du XVe-XVIe siècle 268 . Les moules construits selon la technique du moine Théophile sont tous datés du Moyen Age, entre le IXe (Saint Saturnin en Plomeur) et le XVe siècle. Des moules du XVe siècle ont encore été fabriqués selon la technique décrite par le moine. Il ne semble pas y avoir de différenciation technique entre des petites cloches fabriquées selon la technique du moine Théophile et de plus grosses fabriquées selon la technique de Kricka. La distinction qu’opère Kricka dans les techniques ne ressort donc pas de l’étude des moules de cloche du Sud-Est de la France. Il serait donc bon de pouvoir étendre ces études d’un point de vue géographique et aussi d’affiner les datations des structures découvertes 269 . De plus, la prise en compte des structures campanaires comme des structures à part entière, témoins de la vie d’un édifice ou d’un quartier est nécessaire. Cependant, au vu des vestiges actuellement étudiés, il apparaît que la rupture entre les deux méthodes se situent bien vers la fin du Moyen Age (XVe-XVIe siècle).

Notes
267.

Les données que nous présentons ici sont pour l’essentiel reprises de mon travail de D.E.A.

268.

L’incertitude de ces datations est dommageable car il semble nettement que le changement de techniques se situe à cette charnière entre le XVe et le XVIe siècle, c’est-à-dire entre la période médiévale et la période moderne.

269.

Le recours à des datations archéométriques doit être dans la mesure du possible généralisé pour nos structures.