2.2.2.2.3 Les techniques d’après les documents commerciaux

Un certain nombre de textes décrivent de façon assez éclairante les techniques de fabrication telles qu’elles étaient pratiquées réellement. Il s’agit le plus souvent de registres comptables. Nous prendrons pour exemple le compte de fonte de 1442 publié dans GAY, 1887 (p. 395) et tiré des comptes de l’église Saint Sulpice de Fougères. Il est cité en note 271 . Le fondeur qui a œuvré sur ce chantier et dont le nom ne nous a pas été transmis réalisait sans doute une fausse cloche en terre puisque le compte relate l’achat de cordages pour soulever la cote (ou chape). Ce travail n’est pas la création d’une cloche mais l’agrandissement d’une cloche ancienne dont la date n’est pas précisée. Après l’équipement de la plupart des clochers qui s’opéra rapidement, l’agrandissement des ensembles avec un nombre de cloches constant ou en augmentation devient l’une des tâches essentielles des fondeurs. Si l’achat du bois est indiqué, on ne précise pas s’il y a eu ou non fabrication d’un gabarit. On parle simplement du bois de chauffe destiné à cuire le moule et fondre le métal.

On voit dans ce texte que le métal représente de loin la plus grosse part des dépenses : sur un total de 55 livres, 4 sous et 2 deniers, près de 75% du total (41 livres, 7 sous et 4 deniers) sont des dépenses ayant trait à l’achat du métal. Parmi les autres dépenses, huit livres servent à payer le fondeur, ce qui est relativement important. Il faut noter également que le fondeur est devenu un véritable professionnel que l’on recrute (10 sous lui sont payés pour la réalisation du marché). De plus, à cette époque, il est un laïc puisqu’il n’est jamais qualifié par un titre religieux. Le texte précise également que le creusement de la fosse qui doit être assez vaste, régulière et stable, a duré sept jours, ce qui est la seule indication que nous ayons sur la durée du chantier. On voit donc qu’il s’agit d’un chantier relativement long car après la semaine de creusement, il faut encore réaliser l’ensemble du moule. Les archives Farnier nous signalent que ces travaux durent en moyenne deux mois (au XIXe siècle). De nombreux noms de fondeurs nous ont été fournis par le dépouillement de documents commerciaux de ce genre 272 .

Le texte nous confirme ce que l’archéologie nous apprend : les fontes se déroulaient dans le bâtiment des églises même puisque les religieux responsables de l’édifice sont dédommagés pour la gêne occasionnée.

Notes
271.

Pour la façon du premier saint (de l’église), pour faire le moule d’icelui saint, 14 d. lt

Pour 4l. de chanvre pour led. moulle, 2s.

Pour 8 tomberlées de terre pour led. moulle et pour la fournaise, 13s. 4d.

Pour 2l. de poix et raisine, 12d.

Pour 2 sommes de gaulles à faire la fournaise, 3s. 4d.

Pour un fil de fer à lier la tette du saint, 15d.

Pour corde à tenir les crocs à lever la cote (il s’agit sans doute de la chape, ou moule extérieur de la cloche), 15d.

Pour fagots à faire recuire la mittaille, 10d.

Pour 7 journées de homme à faire la fousse à fondre, 14s.

Pour despense faite le jour que le saint fu fondus 6s.

A Guillemin Chacegne, pour 2 de ses gens qui furent à faire l’aparoil de la fonte, 4s. 2d.

Pour dépense faite par les religieux de la Trinité, pour avoir congié de faire la fosse en l’église pour faire la fonte dud. Saint, 17s. 6d.

Pour faire refaire un pic qui fut rompu à faire la fosse, 2s. 6d.

Pour despense faite à Langevin en faisant le marché de faire led. saint, 10s.

Aud. Langevin, maistre et faiseur dud. Saint, pour sa peine et salaire et despense d’avoir fait led. saint, 100s.

Pour 2 sommes de bois à faire la fonte, 20d.

Pour 2 aès à mectre sous les soupiraux, 20d.

Aud. Maistre, pour sa peine et despense de faire l’esseul, 10s.

Pour avoir essolé led. saint, et pour avoir apparoillé le clocher à le mectre et fait un engin à le lever, 40s.

Pour avoir fait chevilles de fer à coustre de boys mis et apparoillé au clocher, 6s. 8d.

Pour avoir fait le battail et la ferrure dud. saint oultre la vieille ferrure, 30s.

Pour une couraye à pendre le battail dud. saint, 10d.

Pour enfettalz à faire les goutières de la fonte dud. saint, 20d.

Pour une boucle à mectre la couraye du batail, 10d.

Pour 13l. de cuivre à faire les coectes (coussinets) dud. saint, 10s. 10d.

Dépenses faites après que led. saint fu levé au clocher, 6s.

Fut achatté 50l. de viel estain à mectre en la fonte dud. saint, 18d. chacune livre vallent, 70s.

30l. de mittaille aud. prix, 37s. 6d.

433l. de mitaille d’airain vallant 7l. chacun cent, 30l. 5s. 4d.

Pour 22l. d’étain neuf à 22d. chacune livre, 40s. 4d.

38l. de métal apuré, 20d. chacune livre, 63s. 4d.

Le viel saint qui fu descendu du clochier pesoit 725l. et oultre fut donné de plusieurs personnes à la fonte d’icelui, tant de mitaille d’airain que d’estain, 97l. et ainsi fut mis à la fonte dud. saint, en ce comprins l’achat ci dessus, 1390l. de métal dont il demoura 308l. de métal qui dessus furent mises en la fonte de l’autre saint.

272.

Les documents intéressants l’histoire campanaire sont regroupés dans les dépôts d’archives au sein des séries suivantes :

série B : Cours et juridictions, où on rencontre les autorisations d’extension d’ensemble ou de refonte;

série C : Administrations provinciales;

série 3E : Fonds des notaires. Il contient en particulier les renseignements concernant l’état-civil des fondeurs;

série G : Archives ecclésiastiques, clergé séculier;

série H : Archives ecclésiastiques, clergé régulier;

série J : Documents entrés par voie extraordinaire.