2.2.4.1.3 Les inscriptions et décors estampés

Ce dernier type de caractère est annonciateur des futurs développements de l’art de l’ornementation des cloches. Ces moules décoratifs connaîtront leur développement majeur durant l’époque gothique. On peut d’ores et déjà considérer cette période comme une sorte d’âge d’or de l’art campanaire. Ces caractères sont réalisés à partir d’estampages de moules gravés dans des bois durs 383 . Ces moules portent chacun un caractère. On peut dire qu’il s’agit de véritables caractères mobiles.

Selon cette méthode, plusieurs grands types de caractères peuvent être réalisés. Les premiers de ces caractères sont assez simples et sont des lettres de forme onciales. Les lettres gothiques caractéristiques de la période suivante n’existent pas dans la période romane. Des formes approchantes qui sont hybrides entre l’onciale et la capitale gothique peuvent apparaître à la charnière entre les deux périodes.

Les caractères sont réalisés dans des médaillons rectangulaires et les fonds inoccupés par les lettres gothiques peuvent être remplis de motifs végétaux ou animaux qui constituent une sorte de signature des différents fondeurs. Ainsi, dans le nord de la Bourgogne, nous avons rencontré plusieurs cloches (Ligny-le-Châtel et Volgré (89)) portant sur la lettrine reproduisant la lettre E un échassier du même type ressemblant à une cigogne. Ces deux cloches sont sans doute issues de la production d’un seul fondeur.

Un autre type de caractères très ornementés a été observé sur la cloche de 1356 de St Gaudens (31 : voir fig. 213). Dans ce cas, les caractères deviennent de véritables lettrines au même titre que les lettrines enluminées des manuscrits. Parmi les motifs que nous avons pu identifier, nous pouvons citer le O qui contient une Cène. Dans cette scène, nous pouvons distinguer une longue table qui partage l’espace intérieur de la lettre horizontalement. Cette table est surmontée des personnages de la Cène sans que nous puissions réellement les distinguer. Les autres scènes sont délicates à identifier du fait de leur très petite taille.

Les caractères estampés se rencontrent sur les cloches de la S.A.E. et sur la cloche 1 de Vernet-les-Bains. Ces caractères sont limités par des lignes de points qui permettent en particulier la découpe exacte pour améliorer l’ajustement des différents caractères. Les dosserets que nous rencontrerons sur les polices de caractères postérieures ne sont pas encore développés.

Les décors n’apparaissent que tardivement. Ils sont estampés à partir de matrices sculptées en négatif dans un bois dur comme pour les caractères estampés des inscriptions. Les médaillons ainsi réalisés mesurent en général environ 5cm de haut et 3cm de large. Ils représentent des personnages et occasionnellement des scènes religieuses. Ils sont très fréquemment limités dans leur partie supérieure par des dais gothiques qui peuvent être extrêmement détaillés.

La qualité de réalisation de ces décors est très variable et dépend de deux facteurs principaux. D’une part, le niveau de détail des matrices de départ influe très directement sur le rendu du décor. D’autre part, comme sur la cloche des Piards (39), le décor peut être mal rendu par suite d’une mauvaise coulée qui est due à un métal de mauvaise qualité ou un moule mal construit et mal séché.

Les décors sont donc globalement réalisés selon les mêmes techniques que les inscriptions mais ils se développent surtout lorsqu’un véritable registre iconographique peut se créer avec des motifs élaborés. L’estampage est donc nécessaire au développement de la réalisation des décors et à leur diversification.

Le caractère le plus utilisé à la période romane est donc la capitale romaine formée à partir de rouleaux de cire terminés par des volutes et agencés pour former lettres et décors. On pourrait le qualifier de typique de la période. En Allemagne (voir DAS REICH DER SALIER, 1992, pp. 412-413), il semble que la technique de la gravure perdure plus longuement. Il ne semble pas y avoir de véritable période transitoire entre la réalisation de l’inscription par gravure et les caractères estampés. On ne trouve pas de traces d’inscriptions réalisées en rouleaux de cire sur les cloches allemandes 384 . La grande diffusion de la gravure est le témoin direct de la pratique décrite par le moine Théophile pour la fabrication de la fausse cloche. En effet, au vu de l’aspect des gravures, elles ont probablement été faites dans de la cire ou du suif qui constituait la fausse cloche. Cette assertion paraît un peu surprenante à la première lecture des œuvres du moine Théophile. Cependant, elle est vérifiée par ces inscriptions qui ne peuvent avoir été gravées dans une fausse cloche de terre. Le rendu n’en aurait en effet pas été aussi fin.

Notes
383.

Pour le XIXe siècle, le bois le plus couramment utilisé est le buis. Ce bois est très courant dans nos contrées.

384.

Tout au moins, il n’existe pas de tels exemples publiés dans DAS REICH DER SALIER, 1992.