2.2.5.2 De grands risques d’incendie

De nombreux autres clochers des débuts de l’époque romane semblent avoir été partiellement édifiés en bois. Les incendies fréquents dont témoignent les chroniques des abbayes s’accompagnent quelquefois de la destruction des cloches par coulée. Dans ce cas, où le feu a dû être intense, il est probable qu’une très importante architecture de bois existait. Ainsi, dans la chronique d’Aymeric de Peyrac (Chronicon Aymerici de Peyraco, f° 181 r°, in RUPIN, 1897, cité par MORTET, 1911), l’incendie de la ville de Moissac en 1188 détruisit le clocher et les cloches qui s’y trouvaient. Dans les chroniques de l’abbaye St Front de Périgueux, on trouve la mention suivante. Elle est encore plus claire :

‘[Vers 1104-1129 environ] Cujus tempore, burgus Sancti Frontonis et monasterium cum suis ornamentis repentino incendio, peccatis promerentibus, conflagravit, atque signa in clocario igne soluta sunt. Erat tunc temporis monasterium ligneis tabulis coopertum… ( Fragmentam de Petragoricensibus episcopis, seu epistome… , in C. Guigue, Archives de l’art Français , tome V, doc., 1857-58, p. 30) ’ ‘En ce temps, le bourg de Saint Front et le monastère avec ses ornements fut détruit par un incendie brutal, du fait de leurs pêchés et les cloches furent fondues par le feu dans le clocher. En ces temps, le monastère était couvert de tablettes de bois ⁴⁴⁵ …’

Dans ce cas, l’auteur écrit clairement : signa in clocario igne soluta sunt. Le feu a donc dû atteindre un minimum de 1200°C pour permettre cette fusion et également maintenir cette température durant un temps relativement long. Il semble en ce cas que la couverture soit plutôt en cause. Il n’est en effet pas évident que l’ensemble du clocher fut de bois. La couverture semble devoir être assez épaisse pour permettre une telle montée en température.

La mention de clocher de bois n’est pas toujours synonyme d’évènements dramatiques. Par exemple, dans ses Miracula sancti Benedicti (édition De Certain, Société Historique de France cité dans MORTET, 1911, p. 7), aux environs de l’An Mil, le moine Aimoin de Fleury écrit au livre III, chapitre V :

‘In qua non tutam sibi latebram fore auspicatus Ademarus ⁴⁴⁶ , turrim ligneam, de qua signa dependebant, cum sex factionis suae sociis formidolosus conscendit.’ ‘… Adémar craintif monta à la tour de bois où pendaient les cloches avec six factions de ses alliés.’

Il apparaît donc bien à la lumière de ces textes que de nombreux clochers devaient être de bois autour de l’An Mil. Ils semblent être les héritiers des clochers des époques antérieures. En effet, les clochers de pierre se multiplient alors de façon certaine. Il est d’ailleurs possible que certaines de ces mentions parlent en fait du beffroi et non de la tour dans son ensemble. Par exemple, l’incendie de Moissac s’est-il sans doute développé dans un clocher de pierre en consumant le beffroi de bois.