2.2.5.4 Le cas particulier du monde cistercien

Pour le monde cistercien, à l’origine, il semble que les clochers aient été considérés comme des éléments superflus. En effet, les premiers réglements de l’ordre signalent que les clochers doivent être de bois, continuant l’idée-force de ce mouvement religieux de rejet des signes ostentatoires de richesse matérielle, et non de pierre. De plus, ultérieurement, durant l’époque gothique, la construction d’un clocher de pierre dans un monastère alsacien fait l’objet d’une demande spécifique au siège de l’ordre :

‘[1157]. C. 16. Turres lapidae ad campanas non fiant. […]’ ‘[1274]. C. 25. Petitio abbatis de Vallium-Villario de campanili lapideo faciendo : cum propter ventorum impetum periculosum sit in illa abbatia facere ligneum campanile, exauditur, dummodo quantitatem et formam debitam contra simplicitatem ordinis non excedat. ( Statuta selecta capitulorum generalium ordinis Cisterciensis , in Martène et Durand, Thesaurus novus anecdotorum , tome IV, 1717, col. 1243-1279) ’ ‘[1157]. C. 16. On ne fera pas de tours de pierre pour les cloches. […]’ ‘[1274]. C. 25. La demande de l’abbé de Honcourt pour faire un campanile de pierre du fait qu’à cause des vents forts, il est dangereux dans cette abbaye de faire un campanile de bois, est entendu [et accepté] pourvu que cela n’excède pas la taille et la forme recommandée par notre ordre.’

En résumé, les clochers s’affirment véritablement comme un élément architectonique important à l’époque romane. Ils prennent une importance visuelle et symbolique indéniable. En corollaire, les cloches deviennent donc un élément très important dans la vie quotidienne. Par leur présence majeure, elles vont rythmer la vie médiévale. L’emplacement de ces clochers est également révélateur d’une grande importance de cette structure : lorsqu’il se trouve à la croisée du transept, il occupe d’une certaine façon le cœur de l’édifice. Dans d’autres cas, le clocher donne à l’édifice une allure plus élancée. L’absence presque complète de clochers dans les abbayes cisterciennes nous indiquent que ces tours étaient d’ores et déjà devenues des symboles de pouvoir.