3.1.1.1 Les cloches en fonte de fer

Les deux cloches composées de ce métal sont des objets assez originaux qui ne peuvent pas réellement figurer dans les typologies que nous avons élaborées pour cette période. Il s’agit du fruit d’expérimentations menées sans doute de façon totalement autonome. Ces deux cloches n’ont aucun rapport de proximité géographique ni chronologique. Ces expérimentations ont sans doute été réalisées par de très bons techniciens qui ont adapté la forme générale des cloches aux possibilités beaucoup plus limitées de coulée du fer. Ainsi, n’ont-ils pas essayé de faire des décors élaborés qui n’auraient en aucun cas pu être restitués. Ces deux cloches doivent donc être regardées comme des curiosités techniques. Ces essais n’ont pas eu de lendemain. Il faut attendre le XIXe siècle pour voir Jacob Holtzer, fondeur à Unieux (42), essayer de réimposer la pratique de la cloche en fonte de fer. Il suit en cela le discours de non-spécialiste de J.B. Launay, auteur du Manuel Roret (LAUNAY, 1827) consacré à la fonte des cloches qui préconisait la disparition des cloches de bronze au son trop irrégulier 456 (sic !). Ce discours et la pratique d’Holtzer 457 n’ont pas eu de suite.

La cloche de St Pierre de Belleville (73) présente un profil très continu qui permet de favoriser la coulée d’un métal moins fluide que le bronze. Ainsi, la pince et la faussure sont très peu marquées. Cette dernière partie ne se remarque que grâce à un filet assez large qui sépare la pince de la robe. Un autre filet très large vient marquer la séparation entre la robe et le cerveau. Les différentes parties structurelles de la cloche ne peuvent donc être distinguées que grâce à ces éléments décoratifs qui sont presque les seuls présents sur ces cloches. Ils sont de plus limités à des éléments sans détail, faciles à rendre. Ce sont de simples filets relativement larges. La proportion entre le diamètre supérieur et le diamètre à la pince est tout à fait dans la fourchette des valeurs rencontrées pour le XIIIe siècle 458 . Par contre, le rapport H/D est beaucoup plus fort que la norme. C’est la valeur la plus élevée de cette période. Il vaut en effet 1,18 alors que la moyenne est de 0,9. Cette grande différence dans le rapport H/D conduit à un profil beaucoup plus haut que la normale. De plus, les rayons de courbure de la robe sont beaucoup plus forts que sur les cloches classiques de cette période. Cela rend le tracé de la robe pratiquement rectiligne et l’angle de la tangente à la verticale très faible. Tous ces éléments concourent à faciliter la coulée de cette pièce et il s’agit donc sans doute d’une pièce fabriquée par un très bon technicien connaissant particulièrement les propriétés de coulabilité des métaux. Le fondeur peut soit être un spécialiste de la coulée du fer, ce qui serait relativement étonnant en plein Moyen Age, soit être un bon fondeur de cloches qui connaît également les propriétés du fer et sa moindre coulabilité. Il n’aurait donc pas hésité à rendre son profil plus vertical pour faciliter la réussite de son entreprise.

La cloche de Baudonvilliers présente un profil très différent de celle de St Pierre de Belleville. Le rapport Ds/D est la valeur la plus forte de toute celle rencontrée : Ds/D=0,7. La cloche est par contre beaucoup moins élancée que celle de St Pierre de Belleville puisque le rapport H/D ne vaut que 0,75. C’est l’une des plus faibles valeurs de toutes celles que nous avons enregistrées pour le XVe siècle 459 . Ces deux rapports créent un profil extrêmement trapu qui ne ressemble que fort peu aux profils connus pour les autres cloches de cette période. Cette cloche se distingue également par son absence presque totale de pince. Elle n’est marquée que par un changement dans la courbure de la partie basse de la robe et un large bandeau plat sur cette partie inférieure sur lequel figure l’inscription totalement illisible. Par contre, la courbure séparant le cerveau de la robe est particulièrement nette. Cette cloche est ornée de nombreux filets disposés plus ou moins sur toute la pince. Ces filets sont assez larges et ont un relief relativement faible. Cette cloche est très différente de toutes celles que nous avons inventoriées pour le XVe siècle. Si le fer pouvait être utilisé, il était très mal maîtrisé pour réaliser des cloches de qualité. Il est difficile de comprendre pourquoi cette cloche sans intérêt musical a survécu.

Notes
456.

Le discours de Launay serait à étudier plus en détail pour en démonter les différentes erreurs et comprendre leur origine.

457.

Ses cloches sont de qualité honnête.

458.

La datation de cette cloche repose sur l’analyse typologique. C’est celle qui est proposée par les Monuments Historiques dans le dossier de classement.

459.

Cette datation se base sur la datation des Monuments Historiques. Le faible décor visible (voir corpus) confirme cette hypothèse.