3.1.2.1 Les cloches de Villelongue dels Monts (66)

Les cloches de Villelongue dels Monts (66, datées de 1410) qui portent toutes deux la même date ne sont sans doute pas du même fondeur. Ces cloches sont les deux seules cloches qui se trouvent dans ce clocher. Elles sont disposées sur les deux baies situées du côté est. L’installation est partiellement électrifiée : le tintement horaire de la cloche 1 est électrique alors que les deux cloches peuvent être sonnées en volée manuellement. Il est difficile de déclarer que cet ensemble est constitué de deux cloches du même fondeur ou de deux cloches de fondeurs différents. L’histoire de ces deux cloches doit être assez complexe. Cependant, à la lumière de nos relevés, il apparaît clair que ces deux cloches ont été produites la même année mais par deux fondeurs différents.

Les éléments permettant de distinguer les deux fondeurs sont assez nombreux :le premier élément est la différence de police de caractères 505 utilisée. L’une des cloches (numéro 1 : fig. 485 et 486) présente une inscription réalisée en caractères gothiques très classiques avec un dosseret fortement marqué alors que la seconde (1bis : fig. 487 et 488) est ornée de caractères qui sont à mi-chemin entre des caractères onciaux et gothiques. Ils ne présentent qu’un dosseret très peu marqué et qui n’est pas orné. Il apparaît en effet hautement improbable qu’un fondeur ait utilisé conjointement plusieurs jeux de caractères. Cela implique qu’il aurait dû transporter deux lots de moules alors qu’il devait essayer de voyager assez « léger ». De plus, ces deux cloches sont du même diamètre (0,75m 506 ) et ont des rapports Ds/D assez différents : respectivement 0,55 et 0,59. Les rapports H/D sont assez proches : respectivement 0,87 et 0,85. Si l’on observe l’écart à la tangente, nous remarquons que les deux cloches sont encore assez différentes. Le tracé extérieur de la cloche 1bis 507 est un peu plus éloigné de la tangente que celui de la cloche 1 (voir fig. 932). Si cet écartement différentiel à la tangente a pu être mis en évidence pour des cloches issues d’un seul et même fondeur 508 , il a néanmoins été mis en évidence pour des cloches de diamètre assez différent 509 . Cette différence s’explique par la volonté des fondeurs de pallier les défauts du tracé pour améliorer la qualité sonore. Ainsi, en modifiant légèrement le profil, on parvient à gauchir le son pour obtenir des partiels un peu plus justes 510 et ainsi améliorer les qualités sonores.

Pour deux cloches de même diamètre, on ne comprend pas tellement pourquoi un seul et même fondeur aurait eu recours à deux profils faiblement différents. Au sortir de cette description des tracés de ces deux cloches, on peut donc dire de façon quasi certaine que ces deux cloches sont le fruit du travail de deux fondeurs différents. De plus, la présence de deux cloches de même diamètre et donc émettant la même note ne paraît pas très cohérente pour composer un ensemble sonore intéressant. En effet, même si la tessiture des cloches est légèrement différente 511 , cette différence ne suffit pas à expliquer la présence de deux cloches aux qualités sonores proches. On peut donc esquisser des hypothèses pour expliquer la présence de deux cloches de même date mais de fondeurs différents dans un seul et même clocher. Ces hypothèses sont au nombre de deux :

  1. Sur les deux cloches, seule l’une était prévue d’origine pour ce clocher, alors que la seconde a été ramenée ultérieurement suite à la destruction ou la désaffectation de l’édifice pour lequel elle avait été réalisée. Les inscriptions présentes sur chacune des deux cloches, toutes deux des formules rituelles très courantes, ne nous amènent aucune information qui nous permettrait d’identifier une différence de destination à l’origine. De plus, ces deux cloches ne portent aucun décor. En particulier, aucun sceau ne nous permet d’identifier un donateur. Cette hypothèse est relativement plausible puisque l’on connaît le déplacement de certaines cloches suite aux déposes opérées lors des périodes de troubles : guerres de religions, Révolution Française ou conflits mondiaux… ;
  2. Ces deux cloches ont été dès l’origine destinées à cette seule église. Les responsables de l’église ou les donateurs ont donc fait appel à deux fondeurs différents et on peut émettre l’hypothèse que cette fabrication en parallèle est le fruit d’une sorte de concours entre les deux fondeurs pour couronner celui qui réaliserait la cloche ayant la plus belle sonorité.

La deuxième hypothèse est à mes yeux la plus séduisante mais aucun élément ne vient la conforter plus que la première. Il est possible que les archives nous présentent des éléments de réponses mais ce travail n’a pu être mené.

Notes
505.

Nous pouvons, compte tenu de la technique utilisée par ces fondeurs (caractères estampés dans des moules de bois), parler de polices pour définir les différents jeux de caractères utilisés par un fondeur.

506.

Cela nous conduit à numéroter les cloches : 1 et 1bis.

507.

Celle qui présente une inscription en caractères oncialo-gothiques.

508.

Voir les cloches de Roquefère et de Roquefeuil par exemple.

509.

Voir le cas extrême des cloches fondues par Jean Gil à Céret (66, datant de 1488).

510.

Surtout moins déformés.

511.

Du fait des écarts de profil voir les fréquences d’émission, fig. 859 et 860.