Les autres ensembles campanaires constitués de cloches ne datant pas tout à fait de la même période sont également fort instructifs. Ils permettent de voir quelle est l’adaptation du fondeur le plus récent à la cloche ancienne. Il est intéressant de voir dans quelle mesure le fondeur est prêt à modifier son profil qui est en quelque sorte sa signature sonore pour s’adapter aux tonalités des anciennes cloches déjà présentes dans le clocher. En effet, à la vue des efforts déployés par certains fondeurs de l’époque gothique, il apparaît clair que la musicalité de la cloche est devenue primordiale et que l’on cherche à réaliser des ensembles ayant des signatures sonores assez proches. Cette précision est importante puisque dans des rénovations actuelles 523 , des installateurs n’ont pas hésité à réaccorder des cloches classées (Bruebach (68), église protestante St Pierre le Vieux à Strasbourg (67)). Ils n’ont ainsi pas tenu compte des principes généraux de la restauration 524 et également des efforts qu’ont pu faire les fondeurs anciens pour tenter de produire des cloches ayant des sons de qualités approchantes.
Ces ensembles sont plus nombreux que ceux qui sont constitués de plusieurs cloches du même fondeur : nous en connaissons dix-huit dont l’ensemble de Villelongue dels Monts (66) déjà décrit. Comme pour les ensembles que nous avons décrit précédemment, un grand nombre (voir carte 1bis) se trouvent dans le département des Pyrénées-Orientales : cinq sur dix-huit. Certains de ces ensembles sont constitués de cloches assez peu éloignées chronologiquement. Ainsi, à St Pierre le Moutier (58), les deux cloches 525 datent respectivement de 1455 et 1469.
L’un des groupes que nous avons relevés est en fait assez artificiel. Il s’agit de celui de la cathédrale St Pierre de Beauvais. En effet, dans cet ensemble, l’une des cloches 526 datant de 1349 appartenait à la sonnerie de la cathédrale proprement dite alors que l’autre qui est datée plus vaguement du XIVe siècle appartient à l’horloge astronomique 527 . Pour cette dernière, nous disposons néanmoins d’une photographie issue des archives Berthelé (Musée Languedocien, Montpellier), reproduite à la figure 369. En effet, ces deux cloches n’avaient pas du tout la même fonction et ne peuvent donc réellement être comparées.
Les ensembles que nous avons pu réellement relever sont en fait peu nombreux du fait de l’emplacement d’un certain nombre de ces sonneries. Certains sont en effet disposés dans des clochers-peignes 528 ou dans des clochers qui ne sont malheureusement pas accessibles car en cours de restauration (Tour du Gros Horloge de Rouen). Ce sont surtout les ensembles des Pyrénées-Orientales que nous avons pu étudier.
L’ensemble de Géhée (36) déjà évoqué pour la cloche 2 qui date du Haut Moyen Age (voir ci-dessus, 2.1.2.3.2.1) comprend également une cloche datée sans doute de la seconde moitié du XIVe siècle. L’inscription de cette seconde cloche (Ave Maria Gracia Plena) ne nous permet pas d’en préciser la chronologie. Cette cloche est très petite. C’est l’une des plus petites que nous ayons relevées et sans doute presque la limite de ce que nous pouvons appeler cloche dans l’acception restrictive que nous adoptons dans le présent travail 529 : elle ne mesure que 25cm de diamètre. Les maladresses et inexactitudes de tracé existent clairement dans ce cas et sont sans doute dues à la petitesse de cette pièce. Son profil est assez particulier. La cloche comporte au niveau de jonction entre la robe et le cerveau un bourrelet fortement débordant. Compte tenu de sa taille, nous ne pouvons pas qualifier ce relief de filet. Il s’agit bien d’un bourrelet. La plus petite est sans doute à l’origine une cloche de chœur et l’ensemble présent dans ce clocher est donc factice.
L’ensemble de Laprugne (03) est constitué d’une cloche datant sans doute du début du XIIIe siècle 530 et une cloche de 1484 531 . Ces deux cloches sont très différentes du point de vue de leur aspect général. La cloche du XIIIe siècle a un profil extrêmement particulier : en effet, elle a un cerveau très étroit 532 et elle est par contre dans la moyenne pour ce qui est de la hauteur 533 . Ce fort rétrécissement du cerveau est obtenue par une faussure extrêmement marquée. Cette forme très particulière et très évasée est une forme rare quelle que soit la période d’étude. Cette cloche est donc bien un spécimen particulier dont les qualités sonores sont assez différentes de celles des cloches plus proches de la norme. La cloche de 1484 par contre se trouve dans des proportions beaucoup plus proches de la moyenne du XVe siècle. Le fondeur n’a pas à priori cherché à imiter la cloche la plus ancienne pour former une pièce dont le son soit proche. Au contraire, il semble dans ce cas que le phénomène soit inverse puisque les valeurs des rapports Ds/D et H/D enregistrées pour la cloche de 1484 sont supérieures à la moyenne pour le premier et inférieurs pour le second, c’est-à-dire une situation inverse de celle de la cloche du XIIIe siècle. A l’inverse de la cloche du XIIIe siècle, la cloche de 1484 est donc une pièce très classique qui se situe plus ou moins dans la moyenne des pratiques des fondeurs du XVe siècle.
Si l’on observe les propriétés sonores de ces deux cloches, on remarque que la note principale de chacune des deux cloches est séparée d’un peu plus d’une octave. Plus précisément, l’écart entre ces deux principales est d’une octave et deux demi-tons. On retrouve donc l’espace de deux demi-tons, déjà noté pour un certain nombre de duos de cloches. Cet écart de deux demi-tons est une norme musicale de l’époque médiévale ou à tout le moins de l’époque gothique 534 . Concernant les autres partiels de chacune des deux cloches, les octaves supérieures et inférieures (le hum) sont à peu près distribuées sur les mêmes écarts que les principales : la différence entre chacune de ces notes est d’une octave et deux demi-tons. Les deux derniers partiels (« quarte » et « quinte ») sont décalées de façon différente pour les deux cloches. Ainsi, la cloche du XIIIe siècle dont nous avons pu déterminer les cinq partiels a des partiels décalés vers les notes aiguës : si le deuxième est bien une quarte (ré6 : écart de quatre demi-tons), la « quinte » est par contre plus haute que ce qu’elle devrait être (sol#6 : près d’une octave par rapport à la principale). Par contre, pour la cloche de 1484, pour laquelle nous n’avons pu déterminer la « quinte », la « quarte » est plus basse que ce qu’elle devait être, puisqu’elle n’est séparée de la principale que par deux demi-tons. Malgré leur dissemblance profonde de profil, ces deux cloches ont donc une composition sonore assez proche qui leur permet de s’accorder assez bien 535 malgré des différences importantes pour les quartes et quintes. On voit donc que les qualités sonores de ces cloches sont proches et relativement bonnes au regard des normes actuelles. Compte tenu de leur bonne intégration, ces deux cloches ont sans doute été dès 1484, date de réalisation de la seconde cloche, placées dans le même clocher. Leur bonne intégration sonore ainsi que leurs qualités sonores propres sont sans doute l’un des éléments qui a permis la conservation jusqu’à nos jours de ces deux pièces.
De l’ordre d’une dizaine d’années au plus.
En particulier la réversibilité des travaux effectués.
Les cloches qui nous intéressent sont les cloches 1 et 3.
Déposée dans la nef, c’est la seule que nous ayons pu réellement relever.
Elle est toujours en place dans cette horloge.
Pour ceux situés dans la Haute Garonne en particulier.
En effet, nous limitant ici aux cloches d’appel, il ne nous semble pas qu’il soit possible de considérer comme tel une cloche mesurant moins de 20cm de diamètre et qui ont donc une portée sonore très limitée (pour la définition de nos limites, voir la première partie : 1.1).
La cloche 4 de 48cm de diamètre.
La cloche 2 de 92cm de diamètre.
Rapport Ds/D=0,38. C’est la valeur la plus faible enregistrée pour toute la période gothique.
Rapport H/D=0,92 pour une moyenne de 0,9 durant le XIIIe siècle.
Compte tenu des éléments présents pour les périodes précédentes, nous ne pouvons aboutir à de telles observations et donc à des conclusions sur les musiques campanaires de l’époque romane et de l’époque antérieure.
L’accord parfait entre deux cloches issues de fontes différentes est en effet particulièrement difficile voire impossible à atteindre.