Le dernier élément constitutif du corps de la cloche a une grande importance pour le son. Le cerveau est plus nettement marqué par une évolution régionale. La différence entre les différentes régions ne se marque pas par des différences visibles nettement au premier abord mais surtout par la forme de la jonction entre le cerveau et la robe. Cette différenciation régionale est décrite en détail dans le chapitre consacré à la régionalisation des profils et des décors.
La forme générale de cette jonction est un arrondi plus ou moins travaillé et orné d’un nombre plus ou moins important de filets 614 . Sur les cloches les plus anciennes (cloche de Moissac (82) de 1273 par exemple), cet arrondi 615 est généralement continu avec le tracé du profil intérieur de la robe.
Sur le tracé extérieur, l’angle du cerveau par rapport à l’horizontale est un descripteur assez fidèle des différentes formes de cerveau que nous avons rencontrées. Cet angle étudié conjointement à l’angle entre la tangente et le cerveau est en effet l’un des éléments essentiels de la mise en place du tracé de la cloche. C’est donc l’un des premiers éléments qu’il convient de maîtriser pour avoir une production campanaire stable et de qualités sonores plus ou moins constantes. L’angle du cerveau par rapport à l’horizontale est généralement assez faible. Cependant, il va en augmentant au cours de la période gothique : d’une valeur moyenne assez faible de 3,67gr 616 au XIIIe siècle, il passe à 3,95gr (médiane à 3,75gr) au XIVe siècle et à 4,4gr (médiane à 4gr) au XVe siècle. Dans cette statistique, la variabilité de la mesure est très importante comme le montre la valeur très élevée de l’écart-type : la valeur minimale de l’écart-type est enregistrée pour le XIVe siècle : il vaut 2,69.
Pour le XIIIe siècle, l’angle maximum enregistré est de 10gr pour la cloche d’Avrillé (49) alors que l’angle le plus faible 617 vaut 0. Le cerveau de ces dernières cloches est quasiment horizontal. La dispersion des valeurs est à peu près aussi importante pour les siècles suivants et ne recouvre pas une distribution géographique. Compte tenu de l’évolution chronologique de cet angle, nous voyons que le cerveau se développe et que sa limite avec la robe devient moins nette. En effet, plus une cloche aura un angle du cerveau à l’horizontale fort, moins l’angle entre ce cerveau et la robe sera fort. De plus, cette augmentation de l’angle du cerveau par rapport à l’horizontale montre que le cerveau devient une partie réellement visible qui prend une grande importance dans le tracé et dans l’aspect. Cela va de pair avec l’apparition et le développement 618 des anses en couronne au détriment des anses simples décrites pour les périodes précédentes. En effet, la pose d’anses en couronne correspond à la pose de la partie sommitale de la cloche préparée à part. Outre les anses, cette partie comprend la calotte supérieure du cerveau qui dépasse légèrement du tracé du reste du profil. L’apport du bloc des anses crée généralement dans le tracé un ressaut plus ou moins fort et atténué par le fondeur avant d’avoir terminé sa fausse cloche. Un cas extrême est celui de la cloche de Taissy (51). En effet, dans ce cas, le ressaut créé par le bloc d’anses mesure plusieurs centimètres et n’a pas été adouci par le fondeur. Il forme des angles vifs très nets.
Conformément à ce que nous venons de remarquer, l’angle formé par la tangente et le cerveau 619 diminue au cours du temps : de 77,78gr au XIIIe siècle, il diminue à 76,35 gr (médiane à 76,5gr) pour le XVe siècle. L’angle de la tangente et donc globalement de la robe à l’horizontale est à peu près constant. L’aspect général de la cloche ne change donc que relativement peu. Cependant, le cerveau devient plus saillant et plus développé que dans les périodes précédentes.
L’aspect important de l’évolution du cerveau est un aspect non quantifiable comme précédemment l’aspect de la pince. Il s’agit de la forme de la jonction entre la robe et le cerveau. Deux formes principales 620 peuvent être décrites : une jonction progressive formée par des inflexions qui peuvent être assez brutales mais restent toujours de tracé arrondi (type A) et une jonction brutale formée par la juxtaposition de ces deux parties au moyen d’un angle vif (type B).Pour la détermination des différents groupes, nous avons posé comme principe que lorsque la jonction qui est généralement marquée par un arc de cercle est formée de moins d’un quart de tour 621 cette cloche est considérée comme ayant un cerveau arrondi de type A. La distinction ne se fait pas tellement du point de vue chronologique mais plutôt géographique. En effet, les cerveaux plats ayant une jonction assez brutale qui forme presque un angle vif (type B) se trouvent plutôt dans une moitié nord de la France. Cela n’est pas exclusif : nous trouvons des cerveaux de type B dans le sud de la France comme nous trouvons également des cerveaux de type A dans le Nord. Cet aspect est développé avec plus de précision dans le chapitre consacré aux différenciations géographiques (Voir 3.2.5.2).
Cependant, pour les cloches que nous avons pu relever à l’échelle de la France, l’évolution chronologique est peu nette. Les deux grandes familles se partagent à peu près également le nombre total de spécimens. Ainsi, au XIVe siècle, nous trouvons 43% de cloches au cerveau de type A et 55% de type B. Les 2% restants sont des cloches dont le cerveau n’a pu être relevé et ne peut donc être attribué à l’une ou l’autre des catégories. Au siècle suivant, les deux taux sont quasiment identiques : 48% pour le type A et 49% pour le type B. On ne peut donc pas véritablement parler d’évolution. De plus, il ne semble pas que l’appartenance d’une cloche à l’une ou l’autre des catégories modifient sensiblement ses qualités sonores. On a donc sans doute ici à faire à des particularismes propres à chaque fondeur ou à chaque groupe de fondeurs. La différenciation géographique nous confirme cette impression.
Quelques cloches ont un cerveau très particulier. En effet, ce sont des cloches qui présentent la particularité d’avoir un diamètre supérieur qui est supérieur au diamètre minimal de la robe. Ces cloches ont donc un cerveau débordant. Elles sont au nombre de trois : Alzonne (11, sans doute du XVe siècle), Lanvollon (22, datée de 1404) et St Julien de l’Herms (38, sans doute de la seconde moitié du XIVe siècle). Elles sont donc très éloignées géographiquement et ne constituent pas un véritable groupe cohérent. Ces trois cloches recouvrent en fait deux cas différents. Soit la cloche présente un profil relativement normal dont le cerveau est débordant. Cette différence est alors corrigée par un bourrelet qui marque nettement la séparation entre la robe et le cerveau. Ce cas se rencontre sur la cloche de Lanvollon.
Soit elle présente un profil original où la robe marque franchement dans sa partie haute un élargissement du diamètre. La plus nette est la cloche d’Alzonne et celle de St Julien de l’Herms est moins clairement marquée. Ces deux cas recouvrent donc deux réalités distinctes : dans le premier cas, nous sommes en présence d’un profil classique où le fondeur a simplement essayé d’apposer son originalité. Dans ce cas, il s’agit donc d’une cloche n’ayant pas de véritables originalités sonores. Le renflement observé n’est autre qu’un bourrelet plus développé que la normale. L’effet de « couvercle », que l’on peut déceler sur certaines autres pièces au cerveau particulièrement plat n’est qu’un effet d’optique. Il ne correspond pas à une imperfection technique de la part du fondeur. Par contre, dans le second cas, nous avons à faire à ce que nous pourrions véritablement qualifier d’erreur du fondeur. En effet, la non-reproduction de ce type de profil 622 nous indique qu’il pourrait s’agir soit d’essais acoustiques, soit d’erreurs de tracés. Nous penchons plutôt pour la seconde hypothèse car il ne semble pas que cette originalité de tracé puisse aboutir à un profil au son plus harmonique. De plus, la jonction entre le cerveau et la robe qui est très soignée semble nous indiquer que le fondeur a cherché à masquer son erreur de tracé en arrondissant particulièrement les zones de jonction. Cela se remarque en particulier sur la cloche d’Alzonne (voir fig. 80). A la vue de ces cloches, il apparaît que les fondeurs qui ont officié à Alzonne et à St Julien de l’Herms ont en fait tracé une deuxième courbe 623 trop longue et de rayon de courbure trop faible. Cela conduit à produire une cloche surdimensionnée dans le haut de son cerveau. Cette erreur n’est sans doute que peu visible sur le tracé de la planche de gabarit. C’est pourquoi les fondeurs ne s’en sont pas rendu compte. De même à la simple observation visuelle, sans étude du profil, il est difficile de se rendre compte de cette erreur. Seul le relevé détaillé permet de lire cette faute. Elle ne conduit pas à des écarts sonores importants. Ainsi ces deux cloches imparfaites ont-elles pu être acceptées par les communautés commanditaires.
Sur le cerveau proprement dit, nous trouvons un nombre assez important de filets groupés le plus souvent par deux ou par trois.
En particulier celui du profil interne.
Même valeur de la médiane.
Voir les cloches de Laprugne (03, cloche 4) et Taissy (51, sans date).
En fait l’omniprésence.
Cet angle est mesuré entre la partie haute de la tangente au-dessus du cerveau et la tangente du cerveau (voir la fig. 29 indiquant les différents points de mesure retenus sur les cloches de notre étude).
De nombreux intermédiaires existent.
Le cerveau se développe alors fortement en hauteur.
Deux cas seulement fort éloignés géographiquement.
Celle qui constitue la partie haute de la robe.