3.2.4.5 Synthèse : la cloche gothique

A l’issue de l’étude détaillée des profils des cloches gothiques, cette période est clairement celle qui marque l’apparition de la cloche traditionnelle que nous connaissons encore de nos jours. Mis à part quelques cloches qui relèvent encore de l’expérimentation acoustique, la plupart des cloches que nous avons pu étudier répondent à un modèle autour duquel subsiste une certaine variabilité. La cloche gothique est en fait une cloche que le terme pré-moderne définirait mieux. En effet, après les recherches de la période romane, le modèle qui se met en place au cours du XIIIe siècle et qui s’améliore durant les XIVe et XVe siècles se perfectionnera très peu au cours des siècles suivants. Les seules modifications importantes interviendront après que le son ait pu être théorisé complètement et compris sous sa forme ondulatoire. De plus, ces évolutions tardives 631 n’affectent pas les cloches traditionnelles mais plutôt des cloches que l’on cherche à modifier pour pouvoir les intégrer dans des orchestres symphoniques ou augmenter la puissance sonore des cloches les plus aiguës. Ce problème ne concernait donc pas les préoccupations des fondeurs médiévaux. Le rapport entre les différentes mesures générales de la cloche 632 se stabilise autour des valeurs encore utilisées de nos jours : H/D est à peu près égal à 0,95 et Ds/D à 0,55. Si l’on résume les différents éléments constitutifs de la cloche, la période gothique est celle de la fixation définitive des principes de dessin du profil. Ces principes reposent principalement sur des tracés en courbes. Ils sont formés normalement de deux segments : l’un de rayon de courbure limité constitue la partie inférieure de la robe et le second de rayon de courbure plus important constitue la partie supérieure de la robe.

Au cours de cette période, la pince évolue d’une forme le plus souvent arrondie et relativement peu nette vers une forme plus simple : elle est alors droite et très nette.

Par contre, le cerveau 633 n’évolue que très peu. Les fondeurs ont atteint l’optimum dès le début de la période gothique 634 et les différentes formes que nous connaissons pour cette période sont en fait des marques d’originalité. L’évolution se fait surtout vers un cerveau plus développé en hauteur. Ce développement est dû à l’apparition des anses en couronne qui deviennent quasiment le seul type d’anses utilisées à la fin de la période. Elles sont agrémentées de décors anthropomorphes ou très rarement zoomorphes. La calotte terminale qui est rajoutée forme généralement un ressaut assez net 635 par rapport au tracé du reste du cerveau. Les anses préparées hors du moule deviennent la norme.

Avec la cloche gothique (voir fig. 934), à partir du XIVe siècle 636 , on entre de plain-pied dans l’art campanaire moderne. Seul le décor et les inscriptions nous rattachent encore pleinement au Moyen Age, à la période gothique. Il semble donc assez juste de parler pour cette période d’Age d’Or de l’art campanaire. Si l’on tient compte de la décoration et des inscriptions qui prennent une place très importante, cette impression se confirme.

Notes
631.

Courant du XXe siècle : voir SCHOOFS, 1994.

632.

Hauteur, hauteur tangentielle, diamètre et diamètre supérieur.

633.

Et plus spécialement la jonction entre cette partie et la robe.

634.

En fait dès la fin de la période romane : voir la cloche de Fontenailles (14). Cependant, au vu du nombre de cloches conservées, nous ne pouvons pas réaliser de statistiques.

635.

Cas extrême de la cloche de Taissy (51).

636.

Le XIIIe siècle est en quelque sorte le dernier siècle de formation.