CHAPITRE I. SOURCES ET HISTORIOGRAPHIE

L’étude de la prédication de Jourdain de Saxe ne saurait se limiter aux seuls textes des sermons conservés sous forme de reportationes. Elle s’inscrit plus largement dans l’étude des premières années d’existence de l’Ordre des prêcheurs, puis dans celle de la compréhension que l’Ordre a eue de ses origines tout au long de son histoire. La matière est abondante, ainsi que le constatait le P. Papillon : "Des commencements de l’Ordre jusqu’à l’effondrement provoqué par les perturbations des dernières années du dix-huitième siècle, les prêcheurs consacrèrent à leur historiographie un effort d’abord fragmenté dans ses auteurs, mais constamment sérieux et profond dans sa teneur et dans son résultat13.." Il est donc nécessaire de répertorier et de classer les principales sources de l’histoire des prêcheurs, d’en dégager les parties qui concernent Jourdain de Saxe, puis d’en suivre l’évolution dans l’historiographie dominicaine14. Quelques sources extérieures à l’Ordre, en particulier diplomatiques, apporteront des compléments à cette étude.

Les sources dominicaines se situent chronologiquement des années 1220 aux premières années du XIVe siècle, et peuvent, quant à Jourdain de Saxe, se diviser en trois groupes bien distincts : les œuvres de Jourdain de Saxe lui-même, les recueils de vies du fondateur et des premiers frères de l’Ordre, enfin les ouvrages à l’usage des prédicateurs, recueils exemplaires ou sermons.

Au début du XIVe siècle apparaît un genre nouveau qui marque les débuts d’une véritable historiographie dominicaine, celui des catalogues des hommes illustres, genre qui fleurira pendant près de deux siècles. Durant cette même période sont compilées de nombreuses chroniques de l’Ordre qui reprennent inlassablement les sources du XIIIe siècle.

Une nouvelle évolution de l’historiographie dominicaine accompagne l’apparition d’ouvrages imprimés. Les autorités de l’Ordre dominicain mandatent alors des personnes, puis des groupes constitués, afin d’ "activer le travail historique familial au sein de l’Ordre", selon l’expression du P. Papillon15.

Au XIXe siècle, l’historiographie dominicaine reprend vie en même temps que l’Ordre lui-même, en France du moins, marquée par les différents conflits qui accompagneront le rétablissement de l’Ordre dans les pays où il avait disparu dans la tourmente révolutionnaire. Au tournant du siècle, les études plus scientifiques se multiplieront, en partie grâce à des auteurs extérieurs à l’Ordre dominicain, mais surtout, à l’intérieur de l’Ordre, grâce à l’institut historique dominicain, constitué en 1930. Cet institut publiera ses études dans l’Archivum Fratrum Prædicatorum (faisant suite à d’autres études publiées dans les Analecta Sacri Ordinis Prædicatorum), et éditera les principales sources de l’Ordre dans les Monumenta Ordinis Prædicatorum Historica.

Notes
13.

A. PAPILLON, "Le premier collège historique de l’Ordre des frères prêcheurs", AFP 6 (1936), p. 5.

14.

Un recensement des sources dominicaines a été fait par Simon TUGWELL, "Notes of the life of St Dominic", AFP 65 (1995), pp146-154 : "Bibliographical Notes on the major Sources."

15.

PAPILLON, Le premier collège, p. 6.