5. Thèmes : l’écolier, le maître, le clerc, le prélat

La prédication de Jourdain de Saxe, qu’elle s’adresse aux écoliers et aux maîtres de l’Université, ou au clergé réuni en synode, est avant tout une prédication morale, qui appelle son auditoire à la conversion. Un appel sans doute lié au temps du carême, que Jourdain de Saxe prêchait alternativement à Bologne et à Paris, lié aussi au fait qu’un sermon synodal appelle généralement à la réforme du clergé, mais au-delà du temps liturgique ou de l’occasion particulière, cette insistance à rappeler ce nécessaire retour à Dieu est une véritable constante de la prédication de Jourdain de Saxe. Reprenant un exemple qu’utilisait déjà saint Augustin, Jourdain de Saxe rappelle aux uns et aux autre qu’il s’agit de ressusciter avec le Christ et non pas avec Lazare :

‘Nombreux sont ceux qui ressuscitent avec Lazare, pas avec le Christ. Le Christ ressuscitant des morts ne meurt plus (Rom. 6, 9). Ceux qui ressuscitent avec le Christ, cherchent les réalités d’en-haut, pas celles du siècle, estimant avoir un héritage meilleur, et la mort ne les dominera pas. Ceux qui vraiment ressuscitent du péché, cherchent les réalités de ceux qui ressucitent, elles sont éternelles. Mais celui qui ressuscite avec Lazare cherche les réalités terrestres. Lazare est rentré dans sa maison, et il a touché son héritage335.’

Cet appel à la conversion est particulièrement développé dans un sermon prêché à des écoliers et à des maîtres le troisième dimanche de Carême, sur le thème Estote imitatores Dei (sermon 3). Imiter le Seigneur est tout d’abord une question de justice. Tout ce que l’homme possède vient de Dieu. Jourdain de Saxe constate l’ingratitude - et donc l’injustice - de nombreux étudiants :

‘De Dieu, tu as non seulement l’être, le vivre, et l’intelliger. Si ce qui est substantiel ne te touche pas, c’est-à-dire vivre, intelliger et être, vois ce qui est accidentel pour l’imiter. Mais aujourd’hui hélas, plus il donne et moins tu le suis. Alors qu’il donne aussi la science du droit, des arts, de la théologie, même de la médecine, pourtant ils préfèrent suivre le monde336." ’

Et pourtant, suivre le Christ, c’est suivre une voie sûre. Plus le chrétien est proche du Christ, plus il est en sécurité : dans une bataille, le soldat le plus proche du roi est à la place la plus sûre. De même, tant que saint Pierre était à côté du Seigneur, il ne songea pas à le trahir, ce qu’il fit dès qu’il s’en éloigna337. Rien n’est plus sûr que de suivre le Christ, et rien n’est plus fructueux, car il donne la vie éternelle. Hélas, nombreux sont ceux qui préfèrent obtenir des prébendes, et qui demandent au Seigneur :

‘"Et que donnes-tu Seigneur ? Une prébende ? -C’est peu de chose. - Alors des biens temporels ? - C’est peu de chose. Mais je donne la vie éternelle338.’

Inlassablement, Jourdain de Saxe dénonce la course aux prébendes et aux bénéfices que recherchent les écoliers. Il était une raison à cette course, que rappelle Jean Longère :

‘Bien qu’ils soient tous clercs, les étudiants ne sont pas engagés dans les ordres sacrés, sauf les théologiens qui doivent avoir reçu normalement le sous-diaconat. En principe ils vivent de bénéfices ; ces derniers ne se multiplient pas aussi vite que le nombre des étudiants et on comprend que soit précaire la situation économique de beaucoup339.’

Mais plus que la seule nécessité, c’est souvent la cupidité qui fait rechercher bénéfices et prébendes. Et les écoliers seront prêts à tout faire pour les obtenir. Jourdain de Saxe utilise une image saisissante, qu’il tire du prophète Isaïe, pour définir l'homme à la recherche d’une prébende :

‘Comme une araignée qui de ses propres entrailles tisse une toile qui lui permette d’attraper des mouches puantes qui se débattent, tels sont ceux qui étudient à obtenir un bénéfice temporel qu’ils n’arrivent pas à attraper ; cette mouche qui s’agite est la prébende ou le bénéfice qu’ils cherchent à atteindre340." ’

Et l’homme, prêt à se battre pour converser ses avantages, ne réalise pas qu’il est en train de perdre son âme. Jourdain de Saxe le rappelle à ses auditeurs :

‘"Ne dirais-tu pas qu’il s’oppose à toi, celui qui te diminuerait une prébende ou ce que tu as ? Mais le monde, lui, t’enlève la vie éternelle341."’

La course aux prébendes et aux bénéfices n’est pas le fait des seuls étudiants, qui ainsi se détournent du Seigneur. Les maîtres montrent eux-mêmes le mauvais exemple. Ce n’est pas seulement l’attachement aux bénéfices qui les caractérise, mais aussi la course aux honneurs, qui est une forme particulièrement grave d’orgueil. Jourdain de Saxe met ainsi en garde les maîtres :

‘Il est dit dans l’Evangile de saint Matthieu que le diable éleva le Seigneur sur le pinacle du temple, qui signifie le statut du maître, dans lequel le diable établit ceux qui désirent être faits ou être appelés maîtres, et ils sont nombreux, afin d’être honorés de manière temporelle ou mis en avant. Etre appelé maître n’est pas une mauvaise chose, mais vouloir l’être appelé est le comble de l’orgueil.’

Surtout, rajoute Jourdain de Saxe, quand l’enseignement lui-même est motivé par l’orgueil :

‘Ainsi le diable dit à celui qu’il a ainsi élevé : Jette-toi en bas. En effet, à ceux qui ont l’office d’enseigner, il suggère qu’ils enseignent, qu’ils lisent, qu’ils disputent, afin qu’il soient honorés et poussés en avant par les réalités d’en-bas, et aussitôt qu’ils y consentent, ils tombent dans une grande chute et sont brisés342.’

Reprenant ailleurs cette même définition de Pierre le Chantre des études de théologie, legere, disputare, predicare 343, Jourdain de Saxe dira :

‘Il ne suffit pas seulement de se convertir, mais il faut aussi satisfaire. Une conversion, c’est déjà rare ou particulier, plus encore la satisfaction, une satisfaction complète qui est d’accomplir de dignes fruits de pénitence (Lc 3, 8). Il n’est pas dit : "Etudiez l’Ecriture et prêchez" (legite vel predicate) mais : Accomplissez de dignes fruits de pénitence344.’

Le modèle des maîtres est le Christ lui-même qui sur le chemin d’Emmaüs enseigna ses disciples :

‘Ce maître, qui est le nôtre, possède la manière juste d’enseigner. Il a ouvert les Ecritures et enflammé les cœurs, il ne s’est pas gonflé lui-même, comme certains font. Si vraiment ils ouvraient les Ecritures, pour que les cœurs soient embrasés, ils le seraient davantage la sixième ou la septième année que la première. Mais hélas, c’est tout le contraire345.’

Mais tous sont appelés à une vie chrétienne fervente, à l’image des disciples d’Emmaüs dont "le cœur était ardent lorsque Jésus leur parlait en chemin" (Luc 24, 32) (sermon 6). Quatre considérations doivent alimenter l’ardeur de Dieu, la passion qu’il a supportée pour nous, l’amour qu’il nous a montré, sa bienveillance et la patience qu’il met à attendre notre conversion. Ces quatre considérations sont comme quatre vents qui de toutes les parties du monde viennent réveiller ce feu. Hélas, constate Jourdain, nombreux sont ceux qui brûlent d’un autre feu, celui de la luxure et celui de l’avarice. Quant à l’ardeur pour Jésus, elle est éteinte par le feu et l’eau. L’eau des biens temporels et de la concupiscence de la chair (l’avarice et la luxure), comme par l’eau qui vient du diable, qui suggère à l’homme la peur, la contestation, la recherche de ce qui est immédiatement utile. Le diable qui suggère aussi le vent de l’amour du monde, la fausse honte, le mépris, la vaine gloire, toutes choses qui aveuglent celui qui cherche Dieu, qui le reconnaîtra par les yeux de l’intelligence, qui procède du sens commun, et par les yeux de l’affection, qui procède de l’amour.

La triade classique des principaux péchés, avarice, superbe, luxure, se retrouve chez Jourdain de Saxe comme elle se retrouve chez tous les prédicateurs médiévaux. Commentant la pêche miraculeuse qui se trouve dans l’un des Evangiles de la résurrection de saint Jean, Jourdain de Saxe explique que le diable lui aussi part à la pêche de l’homme, une pêche qu’il fait à l’hameçon, au rets et au filet :

‘A l’hameçon, le diable attrape les poissons par une partie de la chair qui semble délicieuse à beaucoup. L’hameçon s’introduit dans la gorge, et signifie la luxure, car nombreux sont ceux qui sont attrapés par un amour apparent. Il est rare que le fer sorte de la gorge qu’il a transpercé. Le rets signifie l’avarice. Combien sont pris par celui-ci ! Le filet signifie la superbe ou l’ambition346.’

Un même appel à la conversion et à la réforme vaudra pour les clercs. Parmi les sermons authentiques de Jourdain, deux sermons ont été prêchés dans des synodes, et deux autres sermons, prêchés pour la fête de saint Martin et de Thomas Beckett, seront l’occasion de rappeler ce qu’est un véritable pasteur.

Que faut-il entendre par le terme de prelatus, qui revient si souvent dans les sermons de Jourdain de Saxe ? Jean Longère en donne la définition suivante :

‘Le terme de prælatus peut sembler vague et ambigu. Fréquemment employé dans les sermons, il n’y est jamais défini. En fait, il a un sens large et désigne tout clerc qui exerce une responsabilité officielle sur d’autres clercs ; archevêques, évêques, archidiacres, archiprêtres sont des prélats347. ’

Un autre terme revient souvent dans les sermons de Jourdain de Saxe, c’est celui de clericus. Dans les sermons prêchés lors de synodes, on peut supposer qu’il désigne de manière générale les prêtres, selon cette autre définition de Jean Longère : "Le prêtre est le ministre ordinaire des sacrements, en particulier de la pénitence et de l’eucharistie. Il prêche la parole de Dieu et stimule à la vie chrétienne ; aussi a-t-il un devoir tout particulier vis-à-vis des vices à interdire ou des vertus à promouvoir348".

Si Jourdain de Saxe insiste tellement sur la réforme du clergé, c’est qu’il est convaincu que la première des prédications est souvent l’exemple de vie, et que trop souvent ce n’est pas le cas. Les disciples d’Emmaüs ont reconnu le Seigneur à la fraction du pain, non pas lorsqu’il leur expliquait les Ecritures en chemin. De même, les hommes viennent davantage à la connaissance et à l’amour de Dieu par de bons exemples que par des paroles349. Au moment où il commente la parole de saint Paul (1 Tim 4, 12) : "Sois un modèle pour les fidèles par ta parole et ta conduite (uerbo et conuersatione)", Jourdain de Saxe définit ainsi ce que doit être la conduite d’un clerc : "Ce sont les bonnes œuvres visibles et manifestes, dans l’habillement et la nourriture, dans les attitudes corporelles : que l’habillement soit discret, le rire modéré, l’accès humble et mûr. C’est tout cela qui démontre ce qu’est l’homme intérieur350." Mais bien souvent les clercs montrent le mauvais exemple : "Certains clercs et certains prélats vivent de façon si vaine et si détestable que les laïcs les dénoncent en disant : "Les clercs font des choses bien étranges351". Que font ou ne font pas clercs et prélats ? Tout d’abord, ils délaissent Dieu, prêts à tout pour acquérir des biens temporels, bien plus tièdes pour acquérir la vie éternelle.

‘Dans l’Eglise se trouvent des réalités spirituelles et des réalités temporelles. Ce qui est spirituel, c’est de louer Dieu sept fois par jour et de chanter au chœur les heures canoniques. Mais nombreux sont les grands qui peuvent à peiner entendre l’une ou l’autre heure. Si tu aimes plus ce qui temporel que ce qui spirituel, tu es dans un mauvais état, et il te faut changer, fixer ton attention principalement sur ce qui est spirituel, et pas du tout, ou alors en second sur ce qui est temporel352.’

Dénoncer de telles attitudes n’est pas le seul fait de Jourdain, c’est le propre de nombreux prédicateurs. C’était déjà vrai du siècle précédent, ainsi l’indique Jean Longère :

‘Parmi tous les péchés dont seraient coupables les prélats, aux yeux des prédicateurs, l’un revient avec plus d’insistance : la cupidité. A la source de la simonie et de l’accaparement des biens au dépens des malheureux, elle explique la négligence pastorale et les attitudes opposées, selon qu’on s’adresse à des riches ou à des pauvres. Elle s’accompagne aussi de l’orgueil, d’un intérêt trop grand porté aux affaires du siècle. L’exemple qu’elle offre va à l’encontre de l’enseignement que donnent parfois les prélats353.’

Trop nombreux sont ceux qui, au lieu d’être de véritables pasteurs sont devenus des mercenaires. Jourdain de Saxe décrit ainsi cette situation :

‘Voici un homme qui se rend au marché, afin d’acheter un cheval. Si quelqu’un lui disait : "Allons voir ces vêtements précieux, il répond : "Je ne suis pas venu au marché pour cela, mais pour acheter un cheval." Les recteurs des églises font ainsi. Il a reçu un bénéfice pour sauver des âmes, si son intention est bien ordonnée. Mais lorsqu’il se rend dans les écoles, afin d’apprendre la théologie, il va écouter plus volontiers des sciences qui rapporteront davantage. Hélas, ils souffrent plus de la perte de douze deniers que de douze âmes en périls, d’un cheval qui boite que d’une âme qui tombe. Saint Bernard dit : un âne tombe, il se trouve quelqu’un pour le relever. Une âme tombe, personne n’y songe ! Celui qui fait ainsi ne pense pas à ce qu’est l’Eglise. L’Eglise est le rassemblement des fidèles, pas celui des richesses, qu’il faut considérer comme des balayures354.’

Jourdain de Saxe est parfois plus polémique encore, et n’hésite pas, à partir d’une citation du prophète Isaïe, à comparer les mauvais clercs à des chapons :

‘Le Seigneur t’emportera comme un coq poule (Is. 22, 17). Le propre d’un coq est de chanter et de générer, comme les simples prêtres, qui chantent les heures et parfois prêchent. Mais les grands sont comme des volailles qui ni ne chantent, ni ne chantent les heures, ni n’engendrent, parce que jamais ils n’entrent dans leurs églises ou leurs prébendes. Mais plus volontiers ils réchauffent leurs petits de la manière suivante : les plumes leurs sont arrachées de la poitrine, on provoque une démangeaison avec des vices par une ortie qui est verte, et semble donner du rafraîchissement alors qu’elle donne chaleur et brûlure, au contraire de la rose qui semble avoir la chaleur du feu et provoquer la brûlure, alors qu’en fait elle donne le rafraîchissement. Ce qui signifie les biens temporels qui brûlent. Le diable arrache les vertus des poitrines et fait rechercher les biens, ce qui provoque la démangeaison355.’

Des considérations grammaticales viennent également au secours de la morale, lorsqu'il s'agit de dénoncer la course aux prébendes : "Si on leur demande : "Es-tu chanoine ?", il faut, pour répondre correctement, faire une faute de grammaire : "Moi, je suis chanoines356."

Mais il ne suffit pas de dénoncer seulement, encore faut-il proposer les moyens d’accéder à une vie plus fervente. Ce que fait Jourdain de Saxe dans le sermon qu’il prêche le jour de la fête de saint Thomas, en commentant l’Evangile de la fête qui est celui du bon pasteur (sermon 22) . Lier saint Thomas et devoir des prélats est un thème commun, mais le traitement de Jourdain de Saxe semble original357. Le Christ est le bon pasteur, comme Seigneur et comme serviteur. Le propre des pasteurs est de veiller sur leur troupeau, de jour et de nuit, et telle est la tâche des pasteurs modernes que sont les prélats. C’est à eux qu’il revient de les nourrir et de les garder des loups. Plus précisément, ils doivent "les enseigner par leurs paroles, les paître par leurs exemples, les soigner par les sacrements, les réconcilier par leurs prières358." Le prélat - on dira ici l’évêque - est "maître en enseignant, pasteur en nourrissant, médecin en soignant, avocat en réconciliant359."

Commentant la parole de saint Paul (1 Cor 14, 19) : "Je préfère dire cinq paroles avec mon intelligence que dix mille en langue", Jourdain de Saxe définit ainsi tout s’abord quel est ce ministère d’enseignement : enseigner les vérités à croire, c’est-à-dire les articles de foi ; ce qu’il faut accomplir, c’est-à-dire les dix commandements ; les œuvres de miséricorde ; ce qu’il faut éviter, c’est-à-dire les péchés mortels ; les récompenses et les supplices. Cet enseignement s’accompagne du bon exemple que doivent donner les pasteurs : "Dès la première parole, il faut donner l’exemple, selon ce que disent les enfants : "Donne un exemple." Les exemples sont des fruits solides360."

Selon l’idée commune des théologiens, les sacrements que doivent donner les prélats sont des remèdes, et celui qui les dispense est comme un médecin. Le sermon de Jourdain de Saxe pour la fête de saint Thomas cite quatre sacrements de guérison, l’eucharistie, l’extrême-onction, le baptême et la pénitence :

‘Le sacrements sont des médicaments. Dans la forme que tu vois à l’autel, il s’agit d’une médecine pour tous. De même, l’huile bénite a la vertu de guérir. De même dans le baptême se trouve la vertu de soigner du péché originel. Certains sacrements soignent les péchés mortels. La contrition, la confession, la pénitence, tout cela est une certaine médecine, et ici elles guérisent des blessures mortelles. Mais ceux qui viennent à l’autel avec un péché mortel recoivent la mort plutôt que la guérison, et il en est de cette chair et de ce vin comme de ce qui est corporel. Si quelqu’un souffrait d’une maladie mortelle ou d’une fièvre aigüe, et qu’on lui donne une chair qu’il ne peut manger, on lui donnerait la mort plutôt que la vie. Il en est de même de cette chair361.’

Enfin, les prélats ont un devoir de prière. Il s’agit ici de la prière d’intercession, et Jourdain de Saxe la compare au métier d'avocat. Le prélat qui agirait autrement serait comme un homme envoyé étudier par un père de famille pour pouvoir enseigner un de ses enfants et qui en profiterait pour faire d’autres études362.

Les sermons synodaux de Jourdain de Saxe se terminent par une mise en garde que l’on retrouve dans d’autres sermons synodaux, qui est une invitation à un examen de conscience. Au jour du jugement, le Christ posera trois questions majeures, dont il a été discuté plus haut : Qualiter intrasti, vixisti, rexisti .

C’est comme à travers un miroir que la technique de la reportatio permet d’apprécier la puissance d’une prédication. Les reportationes des sermons de Jourdain de Saxe laissent transparaître le prédicateur qu’il fut. Sans doute, sa prédication n’a rien de très original, dans son exégèse ou dans les thèmes traités, mais le mordant dans l’expression, surtout quand il s’agit de dénoncer la médiocrité des écoliers, de leurs maîtres et des clercs peut en expliquer le succès.

Notes
335.

Sermon 14b : "Sine dubio qui cum Christo resurgunt, que sursum sunt querunt, non que seculi, credentes se meliorem habere hereditatem et mors illis non dominabitur. Qui uere resurgunt a peccatis, illa querunt que uere surgentibus debentur, scilicet eterna. Set qui cum Lazaro querit que sunt super terram. Lazarus enim rediit ad domum suam, et hereditatem suam accepit.

Cette image se trouve également dans le sermon 8."

336.

Sermon 3a : "Ab eo enim habes non solum esse, intelligere, uiuere. Si autem substantiala te non moueant, scilicet uiuere, intelligere et esse, uide quanta sint accidentalia ut imiteris. Set hodie quanti plus dat, tanto minus sequeris. Si enim dat scientiam iuris uel artis uel theologie uel etiam medicine, hii magis secuntur mundum."

337.

Sermon 3a : "Petrus enim, quando uicinus erat Domino, euaginato gladio uolebat eum deffendere, set quando sequebatur a longe, dicebat cum iuramento se Christum non nouisse."

338.

Sermon 3a : "Et quid dabis Domine ? Numquid prebendam ? Parum esset ? Numquid multa temporalia ? Adhuc parum. Set do uitam eternam."

339.

LONGERE, Œuvres oratoires, tome 1, p. 19.

340.

Sermon 11a : "Multi texunt aliam telam, ut qui proponunt studere hec telas aranearum, subtiles texuerunt ex uisceribus suis ad capiendum muscas fetidas et tumultuosas. De hoc Ysayas Similiter hii tamen student ut capiant unum beneficium temporale et in fine forte non capiunt, et musca inquieta est prebenda siue aliud beneficium si appetatur."

341.

Sermon10b : "Nonne diceres eum aduersari tibi qui minueret prebendas et facultates tuas ? Set mundus aufert uitam aternam."

342.

Sermon 15 : "Vnde legitur in Matheo iiii quod diabolus leuauit Dominum super pinaculum templi, per quod significatur status magisterii, in quo multos statuit diabolus, omnes, scilicet, illosqui ideo fieri uel dici cupiunt magistri, ut temporaliter honorentur uel promoueantur. Vocari enim magister non est malum set uelle uocari summe superbie est. (...) Sic autem sursum levato dicit diabolus : Mitte te deorsum, nam illis qui docendi habent officium semper suggerit ut ad hoc doceant, legant, disputent, ut in hiis que deorsum sunt honorentur uel promoueantur, et quam cito consentiunt, lapsu graui cadunt et confringuntur."

343.

Sur le lien entre étude de la théologie et prédication, voir dans Franco MORENZONI, Des écoles aux paroisses, Thomas de Chobham et la promotion de la prédication au début du XIII e siècle, Paris, 1995, le chapitre III : "Pierre le Chantre : l’école au service de la pastorale", Pp. 67-95.

344.

Sermon 2c : "Non tantum oportet conuerti set et satisfacere, set sicut rara uel particularis conuersio, sic et satisfactio. Set plena satisfactio est facere dignos fructus penitentie. Non dicitur : "Legite uel predicate", set : Facite dignos fructus penitentie."

345.

Sermon 5 : "Iste magister noster rectum modum habuit docendi. Scripturas aperuit et corda inflamauit, non se inflauit ut aliqui faciunt. Si sic Scripture aperirentur ut corda accederentur, tunc magis accensi essent in sexto uel septimo anno quam in primo. Set modo heu est e contrario."

346.

Sermon 7 : "Diabolus tripliciter piscando capit, per hamum, per rete, per sagenam. In hamo capiuntur pisces per particulam carnis, que uidetur multis delectabilis. Introducit tamen hamum in guttur. Per hamum significatur luxuria, quoniam multi capiuntur per apparentem dilectionem. Raro inuenitur quod euadit cuius guttur ferrum hoc enim pertransit. Per rete significatur auaritia. O quot per illam capiuntur ! Per sagenam superbia uel ambitio."

347.

LONGERE, Œuvres oratoires, tome I, p. 371.

348.

LONGERE, Œuvres oratoires, tome I, p. 377.

349.

Sermon 6a : "Set notabile est quod cognouerunt Deum in fractione panis et non in doctrina uerborum, Per hoc datur nobis intelligi quod citius deueniunt homines ad agnitionem et amorem Dei per bona exempla doctorum quam per uerba."

350.

Sermon 15 : "Hec autem conuersatio intelligitur in bonis operibus uisibilibus et manifestis, ut in uestibus et in comestionibus et in corporis gestibus, ut habitis sit non notabilis, risus moderatus. incessus humilis et maturus. Hec enim demonstrat qualis sit homo interior."

351.

Sermon 15 : "Tam enim uane et detestabiliter uiuunt iam quidam clerici et prelati quod laici redarguunt eos, dicentes : "Clerici mira faciunt."

352.

Sermon 2c : "Similiter in Ecclesia sunt temporalia et spiritualia. Spiritualia sunt ut septies in die laudes Deo reddere, et horas canonicas in coro cantare. Set multi et magni sunt qui uix unam uel duas audire possunt, et quamdiu plus diligis temporalia quam spiritualia, in malo statu es, et oportet ut totum te mutes, ut intentio tua principaliter sit circa spiritualia et aut nullo modo aut secundo circa temporalia."

353.

LONGERE, Œuvres oratoires, tome I, p. 376.

354.

Sermon 17 : "Item aliquis uadit ad forum, ut emat equm. Si quis diceret ei : "Eamus uidere pretiosas uestes", respondit ei : "Non ueni ad hoc in forum set ad emendum equm." Sic rectores ecclesiarum. Suscipit beneficium ut animas saluet, si ordinata est intentio sua. Set cum ad scolas accesserit, ut theologiam addiscat, lucratiuas scientias potius audit. Heu, multi plus dolent de ammissione duodecim denariorum quam de periculo duodecim animarum, et magis de equo claudicante quam de anima periclitante. Vnde Bernardus : "Asinus cadit, et est qui subleuet. Anima perit, et non est qui cogitet." Qui sic facit non cogitat quid est Ecclesia. Ecclesia est congregatio fidelium, non diuitiarum que reputantur stercora."

355.

Sermon 2a : "Asportari te faciet Dominus quasi gallum gallinaticum. Est enim gallus qui et cantat et generat, ut simplices sacerdotes in ecclesiis suis, qui cantant horas et aliquando predicant. Set magni sunt gallinatius, qui nec cantant nec predicant uel generant, quia numquam etiam ecclesias suas uel prebendas intrant. Set libenter fouent pullos tamen arte adhuc inducti, quia extrahantur plume de pectore et post excitatur cum uiciis in eo pruritus per urticam que uiridis est, et uidetur habere refrigerationem cum tamen ardorem et exustionem habeat, cui est contraria rosa que calorem ignis uidetur habere et exustionem, et habet refrigerationem. Significantur temporalia que exurunt. Extrahit ergo diabolus uirtutes de pectore talium et facit appetere talia, quod est excitare pruritum."

356.

Sermon 14a : "A quibus si queritur : "Es tu canonicus ?", oportet eos, si bene respondeant, facere falsam gramaticam : "Ego sum canonici."

357.

Voir Phyllis B. ROBERTS, Thomas Becket in the medieval Latin preaching tradition, an inventory of sermons about St Thomas Becket c. 1170 - c. 1400, Steenbrugge, abb. S. Peter, 1992 (Instrumenta Patristica XXV). Sur les 184 sermons décrits, aucun semble ne ressembler à celui de Jourdain de Saxe.

358.

Sermon 12b : "Quatuor autem sunt que debet eis, scilicet docere uerbis, pascere exemplis, curare sacramentis, uocare et reconciliari sacramentis."

359.

Sermon 12b : "Potest enim dici magister in docendo, pastor in pascendo, medicus in curando, aduocatus in reconciliando."

360.

Sermon 12b : "Post primum uerbum oportet dare exemplum ut dicunt pueri : "Dic exemplum." Exempla sunt fructus solidi."

361.

Sermon 12b : "Sacramenta sunt medicamenta in illa enim forma quam uides in altari, est omnium medicina. (...) Similiter oleum benedictum uirtutem habet curandi. Similiter in baptismo, est uirtus curandi ab originali peccato. Set quedam sanant mortalia. Contritio, confessio, penitentia, medicina quedam est, et ibi curantur uulnera mortalia. Set qui ueniunt cum mortali ad altare, potius accipiunt mortem quam curationem, et sic est de illa carne et uino, sicut et de corporali. Si aliquis esset in egritudine mortali uel in acuta febre, et daretur ei caro inesibilis, potius daretur ei mors quam uita. Similiter et de ista carne."

362.

Sermon 12b : "Set si aliquis esset et parum sciret de literatura, et diceres ei : "Disce puerum meum". Et respondet : "Nescio, set da michi argentum, et ego addiscam et postea docebo puerum tuum", et ipse daret, et postea studeret in alia facultate, dominus ualde irasceretur."