I.1.2. Développement des concepts par stades

Au cours du stade sensori-moteur, les enfants, selon cette vue classique, ne posséderaient pas de connaissances conceptuelles abstraites mais, sur la base de leurs capacités sensori-motrices et des structures perceptives des objets, seraient tout de même en mesure de construire des catégories.

Pour illustrer le rôle prépondérant de la motricité sur la construction conceptuelle, Piaget rapporte une observation réalisée sur sa fille lorsqu’elle avait quelques mois. Lorsqu’elle était allongée dans son berceau, elle aimait faire bouger un de ses jouets suspendus avec son pied et ensuite, reproduire systématiquement ce geste lorsqu’elle n’était plus dans le berceau mais qu’elle pouvait tout de même percevoir visuellement l’objet. Ainsi, il considéra que sa fille avait construit la catégorie à laquelle cet objet appartenait comme “quelque chose qui remue quand je tape avec mon pied”.

Au cours du stade préopératoire, seules les dimensions perceptivement saillantes de l’objet seraient la base de la catégorisation chez les enfants. De nombreuses expériences de classification soulignent les difficultés à dépasser ces indices, ceci constituant une entrave à la formation de catégories plus abstraites. Dans ce type d’épreuve, il est classiquement demandé aux enfants de “mettre ensemble” des blocs qui varient selon différentes dimensions (par exemple : taille, couleur, forme). Piaget et Inhelder ont observé que, au début de la tâche, les enfants mettent ensemble les objets partageant une même dimension (par exemple tous les petits objets) puis modifient leur critère en cours de route en prenant en compte subitement un autre critère (la forme par exemple), ceci ayant pour conséquence de former, à l’issue de l’épreuve, un groupe sans caractéristique unifiante. Selon ces auteurs, il faudrait atteindre la fin de la période préopératoire pour que les enfants soient capables de classer les objets sur une base stable.

Ce n’est qu’à la période des opérations concrètes, entre 6/7 et 11/12 ans, que les enfants construisent de véritables catégories abstraites. Cette évolution est rendue possible à la fois par une certaine libération à l’égard de la perception, sur laquelle nous reviendrons plus tard, et par la maîtrise des processus d’anticipation et de rétroaction, méthodes respectivement ascendante et descendante de construction des collections. L’acquisition de ces processus permet à l’enfant, pour la première fois, d’assimiler les relations qui existent entre les catégories. En effet, le processus d’anticipation permet aux enfants de concevoir que des petites collections ayant des qualités communes peuvent être réunies en collections plus grandes (par exemple, avec des marguerites et des roses, on peut faire un bouquet de fleurs), et le processus de rétroaction permet de concevoir qu’un ensemble peut être subdivisé en petites collections (avec un bouquet de fleurs ramassées dans un champ, il est possible de faire un bouquet de marguerites et un bouquet de coquelicots).