I.1.3. Problème de l’inclusion des classes

À ce stade des opérations concrètes, il n’y aurait pas, selon Piaget, de coordination possible entre ces deux processus d’anticipation et de rétroaction. Ainsi, lorsque les enfants

‘ ‘“’ ‘ont subdivisé une collection B en deux sous collections A et A’, ils ne comprennent pas sans un nouvel acte de pensée (parfois même non couronné de succès) qu’elles font toujours partie de B.’ ‘”’ ‘ ’(Piaget & Inhelder, 1991, p. 287)’

Ces auteurs ont mis en évidence cette impossibilité de penser une organisation emboîtée des connaissances sémantiques avant la fin du stade des opérations concrètes, soit vers 10/11 ans, grâce à une étude conduite auprès d’un groupe de 117 enfants âgés de 7 à 14 ans.

Dans cette expérience, des dessins de catégories différentes étaient proposés aux enfants : 3 à 4 dessins représentant des canards, 3 à 5 dessins représentant des oiseaux autres que des canards et 5 autres animaux qui n’étaient pas des oiseaux1. Des questions permettant d’évaluer la classification spontanée (“peux-tu mettre tous les dessins qui selon toi vont bien ensemble ?”), les inclusions générales (“est-ce que ce sont tous des animaux ?”) et la quantification de l’inclusion (“est-ce que dans l’ensemble, il y a plus de canards ou plus d’animaux ?) ont été proposées à chacun des enfants.

Les résultats de cette étude révèlent que les enfants, jusqu’à 9 ans, répondent de façon erronée à la question “est-ce que dans l’ensemble, il y a plus de canards ou plus d’animaux ?” et ce, même si la proportion de canards est inférieure à celle des non-canards. Piaget a interprété cette erreur comme la conséquence de leur difficulté à concevoir qu’un même objet puisse appartenir à des catégories différentes. En effet, la bonne réponse à cette question est accessible uniquement si les enfants arrivent à prendre en compte l’existence d’une organisation hiérarchique : un même objet peut simultanément appartenir à la fois à une sous-catégorie (les canards) et à une catégorie supérieure (les animaux). Piaget a remarqué que si l’on pousse les enfants à réfléchir sur leurs réponses, ils reformulent la question en demandant si elle consiste à demander si “il y a plus de canards ou plus d’animaux autres que les canards” : ceci les amène alors à comparer le nombre de canards au nombre d’animaux et à répondre alors qu’il y a plus de canards que d’animaux.

Cette théorie postule donc que (1) le développement conceptuel se réalise par franchissement de stades successifs (2) les stades de développement répondent à des principes identiques pour tous les domaines de connaissance (3) la pensée conceptuelle (permise par la maîtrise d’une organisation taxonomique) est impossible avant 10/11 ans.

Notes
1.

Une version plus complexe de cette expérience est également rapportée, celle-ci comportant d’autres catégories telles que “les animaux qui volent mais qui ne sont pas des oiseaux”, “des animaux qui ne volent pas” ou encore “des artefacts”. Les résultats obtenus sont identiques.