II.3.1. Principaux résultats : description

Ces analyses confirment les résultats obtenus dans la première expérience puisqu’un effet significatif de la variable Catégorie apparaît, F(1, 96) = 195.82, p < .01 : les performances obtenues à partir des dessins d’animaux diffèrent significativement de celles obtenues à partir des dessins d’artefacts. La variable Catégorie interagit avec la familiarité F(1, 96)=11.68, p < .01 et avec la propriété F(2, 192) = 63.45, p < .01. Ceci permet de mettre en évidence un effet différent des variables Familiarité et Propriété selon qu’il s’agisse du domaine des animaux ou de celui des artefacts et conforte l’idée d’un développement spécifique des connaissances sémantiques dans chacun de ces domaines.

La variable Familiarité a un effet significatif F(1, 96) = 39.38, p < .01, avec un taux de refus plus élevé pour les images familières que pour les non-familières.

La variable Propriété a un effet significatif (F(2, 192) = 1030.99, p < .01). Le facteur Age a également un effet significatif sur les performances F(8, 96) = 2.25, p < .05. Il témoigne d’une évolution des résultats au cours du développement.

La prise en compte de l’interaction significative de ces deux dernières variables, Propriété*Age F(16, 192) = 8.07, p < .01, paraît particulièrement pertinente pour décrire cette évolution. La Figure 3 présente cette interaction et illustre le fait que l’amélioration progressive des performances se matérialise différemment selon le type de propriété proposé. Aussi, nous présenterons de façon distincte, au cours des paragraphes suivants, les résultats correspondant aux propriétés adéquates, ceux correspondant aux propriétés impossibles et ceux correspondant aux propriétés bizarres.

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Figure 3 — Courbes développementales des taux de refus selon le type de propriété proposé.

Concernant les associations entre un dessin et une propriété adéquate, situation pour laquelle nous attendions une acceptation de la propriété, les données recueillies sont conformes à notre hypothèse : nous observons une diminution régulière des refus pour ce type d’association. Dans cette condition où la propriété est adéquate, la variable Familiarité n’a aucun effet : le taux de refus est équivalent pour les images familières et pour les non familières. Par contre, les résultats montrent un effet de la catégorie sur ces propriétés adéquates, F(1, 192) =12.33, p < .01: les enfants refusent plus les propriétés adéquates pour les artefacts que celles qui le sont pour les animaux. Ce résultat confirme une donnée obtenue dans la première expérience : les enfants maîtrisent mieux les connaissances à propos des animaux que celles relatives aux artefacts.

Concernant l’association entre un dessin et une propriété impossible avec la catégorie, nos données confortent également les résultats obtenus au cours de l’Expérience 1, puisque nous observons une augmentation progressive des refus (de 70 % à 100 % entre 3 et 9 ans) avec un plateau définitif à 100 % dès 7 ans. Cette évolution existe à la fois pour les dessins familiers et pour les non familiers. L’effet de la catégorie est significatif pour ces propriétés impossibles (F(1, 192) =15.12, p < .01). Il se manifeste particulièrement nettement chez les enfants de 3 ans et demi : à cet âge, les propriétés impossibles sont davantage rejetées pour les artefacts que pour les animaux F(2, 192) =16.09, p < .01. Les propriétés d’animaux, impossibles pour les artefacts, sont donc associées de façon plus correcte que les propriétés d’artefacts.

Les propriétés bizarres produisent quant à elles des résultats non linéaires qui peuvent être décrits en trois étapes.

Les enfants de 3 ans et demi à 6 ans refusent de plus en plus ces informations bizarres (59.9 % pour les 3 ans et demi jusqu’à 75.4 % pour les 6 ans). Ceci peut être interprété comme le fait que, jusqu’à 6 ans, les enfants accumulent progressivement des connaissances de niveau de base, celles-ci sont incompatibles avec les propriétés bizarres proposées. L’interaction Propriété*Familiarité significative de 3 à 6 ans (respectivement F(2, 18) =20.235, p < .01. ; F(2, 14) =5.01, p < .05 ; F(2, 34) =13.62, p < .01 ; F(2, 30) =12.16, p < .01) trouve d’ailleurs toujours son origine dans un effet de la familiarité sur ces propriétés bizarres : les enfants de ces âges refusent plus massivement ces propriétés bizarres pour les objets familiers que pour les non familiers (valeurs des contrastes : F(2, 18) =46.59, p < .01 pour les 3 ans et demi, F(2, 14) =16.02, p < .01 pour les 4 ans, F(2, 34) =43.17 < .01 pour les 5 ans et F(2, 30) =39.36, p < .01 pour le groupe des 6 ans). Cela témoigne sans doute d’un fort attachement aux connaissances de niveau de base à ces âges.

Entre 6 et 8 ans, l’interaction des variables Propriété*Familiarité n’est plus significative. Quelle que soit la familiarité de l’objet, les propriétés bizarres sont traitées de la même façon. Les connaissances relevant du niveau de base n’ont plus autant d’importance que chez les plus jeunes. Cela va de pair avec leur tendance, à partir de cet âge, à moins refuser puis à accepter progressivement les propriétés bizarres. Cela atteste encore qu’ils s’appuient de plus en plus sur des connaissances de niveau de domaine plutôt que sur des connaissances relevant du niveau de base.

Les enfants de 8 ans à 11 ans ainsi que les adultes refusent de moins en moins les propriétés bizarres, confirmant leur tendance à se baser sur des connaissances catégorielles. Nous devons préciser que ces refus sont particulièrement massifs pour les objets familiers (respectivement, F(2, 16) =3.97, p < .05 pour les 9 ans, F(2, 8) =6.46, p < .05 pour les 10/11 ans et F(2, 22) =27.87, p < .01 pour les adultes), ce qui reflète vraisemblablement l’acceptation, très mature, de quelques exceptions possibles à des règles sans que ces dernières ne soient remises en question.