III. Expérience 3 : tâche d’induction

Dans la partie théorique, nous avons souligné l’importance des informations biologiques et psychologiques (traits de personnalité) dans la structuration des connaissances pour le domaine des animaux. Pour Carey (1985, 1988), les traits psychologiques seraient la base constituante de cette mise en place, les connaissances biologiques ne se différenciant de ces connaissances psychologiques qu’à partir d’un âge donné, initialement fixé à 10 ans puis resitué vers 7 ans. Or, nous pensons que la différenciation des connaissances biologiques avec les connaissances psychologiques s’amorce déjà chez les jeunes enfants avant cet âge du “changement radical”.

Afin de tester cette hypothèse dans cette troisième expérience, nous plaçons les enfants dans une tâche d’induction au cours de laquelle ils sont invités à réaliser des inférences de propriétés biologiques et psychologiques pour des animaux. Ces inférences peuvent se baser soit sur des indices perceptifs, soit sur une appartenance catégorielle. D’une façon générale, nous pensons observer, au cours du développement de l’enfant, une production de plus en plus massive d’inférences catégorielles, l’enfant se détachant progressivement des indices perceptifs pour réaliser les inférences. Mais nous souhaitons montrer que la nature de la connaissance (biologique ou psychologique) influence le type de l’inférence : nous pensons en effet observer un plus grand nombre d’inférences catégorielles lorsque des propriétés biologiques sont impliquées. Ceci témoignerait de l’indépendance des domaines de connaissances biologique et psychologique.

Cette Expérience 3 fait suite aux travaux menés par Bedoin (1999) au cours desquels 16 enfants de 3 à 3 ans et demi et 20 enfants de 6 à 8 ans ont été testés. L’expérience testait ces mêmes hypothèses et reposait sur un paradigme d’induction. Des propriétés biologiques ou psychologiques semblables à celles que nous manipulerons étaient proposées. Cette expérience permettait de démontrer que les enfants les plus jeunes produisaient plus d’inférences perceptives (58.2 %) que d’inférences catégorielles (41.8 %), contrairement aux enfants plus âgés qui produisaient une plus grande proportion d’inférence catégorielle (60.94 % contre 39.06 %).

Concernant l’influence de la nature de la propriété impliquée (biologique versus psychologique), celle-ci était différente selon les classes d’âges testées : cette interaction Age*Propriété est représentée sur la Figure 5.

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Figure 5 — Graphique de l’interaction Âge*Propriété obtenue par Bedoin (1999) : les enfants les plus jeunes produisent des réponses catégorielles de l’ordre du hasard pour les propriétés biologiques et psychologiques alors que les enfants plus âgés produisent statistiquement plus de réponses catégorielles à partir des propriétés biologiques qu’à partir des propriétés psychologiques (d’après Bedoin, 1999).

Sur ce graphique, nous pouvons constater que, dans ces travaux, le type de propriétés manipulées (psychologiques ou biologiques) n’a aucun effet sur le type d’inférences produites par le groupe d’enfants les plus jeunes. Par contre, la production d’inférences catégorielles par les enfants plus âgés est plus importante lorsque les propriétés impliquées dans l’inférence sont biologiques. Cette production d’inférences catégorielles pour le domaine de la biologie est même supérieure à celle qu’aurait permis le hasard. Ceci confortait l’auteur dans l’hypothèse d’une indépendance des connaissances psychologiques et biologiques chez les enfants entre 6 et 8 ans et confirmait la pertinence de situer l’âge de la différenciation des propriétés biologiques et psychologiques avant 10 ans.

Cependant, il faut rappeler que les travaux présentés ici portaient sur un matériel expérimental restreint (cette expérience utilisait 8 planches) et sur des groupes d’enfants appartenant à des classes d’âge d’ampleur inégale. Nous nous proposons donc de poursuivre cette recherche en complétant de façon conséquente le matériel expérimental et en le soumettant à une série de prétests rigoureux avant toute passation. De plus, nous pensons qu’il serait intéressant d’observer les processus cognitifs mis en oeuvre par des enfants appartenant à des âges intermédiaires, par rapport à ceux testés par Bedoin (1999) : il s’agira en particulier de tester si la différence dans la façon de réaliser des inférences dans les domaines biologique et psychologique existe dès le moment où les enfants commencent à préférer les inférences catégorielles aux inférences perceptives.