III.3.2. Passation auprès d’enfants

Nous avons réalisé trois séries de passations de cette expérience auprès de trois groupes d’enfants de 4 à 7 ans. À l’issue de la passation de chacun des groupes, nous avons réalisé une analyse statistique (test t sur séries appariées) sur le nombre d’inférences produites. La Figure 9 présente le nombre d’inférences perceptives et catégorielles produites en fonction du type de propriété impliquée (biologique ou psychologique) pour chacun de ces groupes.

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Figure 9 — Résultats obtenus pour les 3 groupes d’enfants (4/5 ans, 5/6 ans et 6/7 ans) ayant réalisé l’Expérience 3. Les enfants produisent progressivement de plus en plus d’inférences catégorielles et celles-ci sont plus nombreuses lorsque la propriété impliquée est de nature biologique. Un trait plein reliant deux conditions indique une comparaison de moyennes significative à p < .05.

Les enfants entre 4 et 5 ans produisent autant d’inférences perceptives que catégorielles (respectivement 53.47 % et 46.53 %, t = .0.894, p > .05). À cet âge, la nature de la propriété n’a aucune influence sur le type d’inférence produite : que la propriété soit biologique ou psychologique, les enfants produisent autant d’inférences perceptives que catégorielles (respectivement t = -0.518, p > .05 et t = 1.865, p > .05).

Concernant les enfants entre 5 et 6 ans, les résultats rapportent qu’ils produisent 48.62 % d’inférences perceptives et 51.39 % d’inférences catégorielles. Bien que cette différence ne soit pas statistiquement significative, (t = -0.464, p > .05), nous pouvons constater que les enfants de cet âge produisent sensiblement plus d’inférences catégorielles que les enfants entre 4 et 5 ans (51.39 % pour les 5-6 ans contre 46.53 % pour les 4-5 ans). De plus, en accord avec notre hypothèse, un effet de la nature de la propriété sur le type d’inférence produite (bien qu’encore non significatif) semble émerger à cet âge puisque nous pouvons constater que les inférences catégorielles sont plus nombreuses que les inférences perceptives et ce, spécifiquement lorsque des propriétés biologiques sont à traiter (t = -1.82, p = .09). Pour les propriétés psychologiques, ce phénomène ne s’observe pas, les enfants produisant autant d’inférences perceptives que catégorielles, t = 1, p > .05.

Cette tendance se confirme auprès des enfants de 6 à 7 ans. En effet, ceux-ci continuent à produire une plus grande quantité d’inférences catégorielles (57.65 % pour ce groupe d’âge) et celles-ci sont significativement plus nombreuses dans le cas où des propriétés biologiques sont impliquées, t = -2,37, p < .05. Là encore, ce phénomène reste spécifique aux propriétés biologiques car dans le cas où des propriétés psychologiques sont manipulées, les enfants de cet âge continuent à produire autant d’inférences perceptives que d’inférences catégorielles, t = -0.185, p > .05.

Ainsi, ces résultats nous apprennent que les enfants entre 4 et 7 ans produisent progressivement, au cours de leur développement, de plus en plus d’inférences catégorielles : ceci atteste qu’ils se détachent progressivement des pièges perceptifs auxquels ils sont confrontés dans cette tâche d’induction. Ce résultat s’accorde avec les résultats des deux expériences précédentes : les enfants sont très précocement en mesure de raisonner à partir de connaissances catégorielles.

De surcroît, cette production d’inférences catégorielles est dépendante du type de propriétés manipulées : les enfants, tout comme les adultes, produisent plus d’inférences catégorielles lorsque des propriétés biologiques sont impliquées plutôt que des connaissances portant sur des traits de personnalité. Nos résultats confirment donc les observations effectuées par Bedoin (1999) et démontrent que la distinction entre les propriétés biologiques et psychologiques s’amorce avant 7 ans, précisant ainsi la théorie développée par Carey (1985, 1988). Ceci est conforme à l’idée selon laquelle, les enfants mettent progressivement en place un système d’induction qui diffère suivant la nature biologique ou psychologique des propriétés. Pour le domaine de la biologie, les propriétés sont appliquées à des exemplaires nouveaux d’une catégorie suivant un principe d’appartenance catégorielle : deux animaux de la même catégorie auront fortement tendance à partager un trait biologique identique du fait de leur appartenance à la même famille. Les propriétés psychologiques, quant à elles, suscitent autant d’inférences catégorielles que perceptives : un trait de personnalité peut tout aussi bien être commun à deux animaux en raison de leur appartenance catégorielle qu’en raison de leur apparence physique.