I.1.1. Distinction entre mémoire à court terme et mémoire à long terme

La distinction entre les systèmes de mémoire à court terme et à long terme provient à la fois des résultats de tests comportementaux chez des sujets ne présentant pas de pathologie particulière (épreuves de position sérielle) et d’observations de patients amnésiques.

L’épreuve de position sérielle consiste à demander de mémoriser une liste de mots présentés en succession rapide puis, immédiatement après, à inviter le sujet à rappeler le maximum de mots sans contrainte sur l’ordre de rappel. Lorsque l’on étudie la position des mots rappelés par rapport à leur position dans la liste initiale, il est classique d’observer des effets de récence et de primauté : les sujets rappellent mieux les premiers et les derniers mots lus. Il a été proposé que l’effet de primauté provenait de la mise en mémoire à long terme des premiers mots de la liste (conséquence de la répétition mentale des mots afin de s’en souvenir) alors que l’effet de récence résulterait de la récupération des mots encore contenus en mémoire à court terme parce que lus depuis peu. Les mots du milieu de la liste seraient moins bien rapportés car la durée serait trop longue pour autoriser leur maintien en mémoire à court terme et trop courte pour permettre leur stabilisation en mémoire à long terme.

La neuropsychologie apporte des arguments favorables à cette interprétation dualiste de la mémoire à travers l’étude de patients souffrant d’amnésie. Milner, en 1966, rapporta le cas du patient HM présentant une amnésie antérograde suite à une lésion bilatérale de l’hippocampe (subie pour supprimer un foyer épileptique). Ce patient obtenait des performances médiocres dans les tests de mémoire à long terme alors que ses capacités mnésiques étaient préservées lorsque la mémoire à court terme était impliquée. De ce fait, dans la tâche de rappel libre d’une liste de mots que nous venons de présenter, ce patient était seulement en mesure de rappeler les derniers mots de la liste. En 1970, Shallice et Warrington rapportèrent le cas opposé, avec le patient KF. Ce patient était incapable de rapporter plus de deux éléments appris (chiffres) mais avait conservé la capacité de se souvenir d’événements lointains.

Ces différents arguments contribuent à différencier mémoire à court terme et mémoire à long terme. La mémoire à court terme est définie comme un lieu de stockage transitoire, à capacité limitée (7 -plus ou moins 2- items, Miller, 1956). La mémoire à long terme est, au contraire, un vaste lieu de stockage contenant des informations pour une durée de rétention illimitée. Selon Anderson (1983), cette mémoire à long terme serait elle-même décomposable en deux sous-systèmes fonctionnels : la mémoire explicite et la mémoire implicite. La mémoire explicite ou déclarative permettrait le rappel conscient de faits et d’événements, alors que la mémoire implicite ou procédurale (encore appelée “non déclarative”) serait engagée dans la récupération non nécessairement consciente d’un ensemble hétérogène d’informations. Chacun de ces sous-systèmes mnésiques serait encore décomposable en modules distincts. Nous ne présenterons pas ici plus finement les distinctions entre les modules de la mémoire implicite, nous intéressant plutôt aux sous-systèmes de la mémoire explicite dont un module serait dévolu au stockage des connaissances sémantiques et l’autre au stockage des connaissances épisodiques.