II.4.2. Colorisation

Dans les expériences impliquant des sujets sans pathologie particulière, les données de la littérature rapportent classiquement un effet facilitateur de la couleur sur les performances (Biederman et Ju, 1988). Les travaux de Bardin (2002) confirment cet effet facilitateur de la couleur dans une tâche de comparaison de dessins d’animaux du point de vue de la taille (les sujets devaient juger si celle-ci était identique ou non entre deux objets) mais dans laquelle les expérimentateurs faisaient varier la couleur des objets présentés. Les performances obtenues par les sujets pour comparer la taille des objets sont meilleures (pour les temps de réponse et les taux d’erreurs) dans la condition “couleur adéquate” que dans la condition “noir et blanc”. La comparaison des performances dans la condition “noir et blanc” et celles obtenues suite à une troisième condition “couleur inadéquate” (pour cette condition, les couleurs des deux dessins à comparer sont inversées) montre que la couleur n’est pas toujours facilitatrice : les sujets obtiennent en effet de meilleures performances pour les dessins noir et blanc que lorsqu’ils sont colorisés. Des observations neuropsychologiques confirment ce rôle facilitateur de la couleur : cette dimension facilite le traitement des objets chez les patients agnosiques, la couleur étant donc particulièrement utile lorsque le traitement de la forme des objets est déficitaire (Humphrey, Goodale, Jakobson & Servos, 1994).

L’effet de la couleur interagit avec l’appartenance catégorielle des objets : l’influence de la couleur est en effet généralement plus massivement rapportée pour le domaine des animaux que pour les artefacts. Ceci peut notamment être illustré par l’épreuve proposée par Price et Humphreys (1989). Dans cette expérience, les sujets avaient pour consigne de dénommer les objets relevant du domaine du monde vivant ou non vivant. Ceux-ci étaient présentés sous forme de photographies ; les objets étaient soit colorisés avec leur couleur habituelle, soit avec des nuances de gris ou bien encore avec des couleurs incorrectes. Les résultats de ces travaux ont révélé un effet de la variable couleur circonscrit à la catégorie des êtres vivants. Des études menées auprès de patients atteints de DTA confirment cet effet plus prononcé de la couleur pour le domaine du vivant par rapport au non vivant. Les travaux de Chainay et Rosenthal (1996), basés sur des tâches de dénomination d’images et d’appariement entre des mots et des objets, soulignent que l’effet bénéfique de la couleur est plus prononcé pour les catégories naturelles (44.42 % de bonnes réponses pour la catégorie naturelle contre 36.48 % pour les objets manufacturés). Montanes, Goldblum et Boller (1995) rapportent des observations identiques dans des épreuves de dénomination d’objet réalisées par 25 patients DTA. Le travail de Chalamet-Mathiolon (2001) permet de mettre en évidence que cet effet priviligié de la couleur pour les animaux existe aussi chez les enfants. Cette expérience d’imagerie mentale visuelle montre en effet que les enfants de 7 et 8 ans activent automatiquement les connaissances sur la couleur d’un animal lorsqu’ils doivent seulement imaginer la forme de celui-ci alors qu’ils sont en mesure d’activer séparément ces dimensions forme et couleur pour les artefacts.

De plus, même à l’intérieur d’une catégorie, tous les objets ne sont pas associés à une couleur avec le même degré de stabilité (par exemple, une banane est le plus fréquemment jaune, alors qu’une pomme peut être rouge, jaune, verte...). Cette différence a sans aucun doute des conséquences sur les performances des sujets. Aussi, nous pensons judicieux de contrôler ces facteurs lorsque nous employons des dessins dans les expériences : ceux-ci seront toujours des dessins aux traits, noir et blanc.