Actuellement, seul un examen post-mortem du cerveau du patient peut permettre un diagnostic certain de la maladie d’Alzheimer50. Les critères utilisés actuellement visent donc essentiellement à établir des diagnostics différentiels mais malgré la constante amélioration de ces critères, la probabilité de porter par excès un diagnostic de maladie d’Alzheimer reste de l’ordre de 15 % (Klatka, Schiffer, Powers & Kazee, 1996).
La liste des critères permettant de diagnostiquer une DTA est référencée dans le DSM IV (APA, 1994), la CIM 10 (OMS, 1992) ou encore la NINCDS-ADRDA (McKhann et al., 1984). Pour les travaux réalisés dans le cadre de cette thèse, cette dernière terminologie a été utilisée. Aussi, le Tableau 7 présente en détail ces critères qui se déclinent en 6 points.
| CRITERES DE LA NINCDS-ADRDA | ||
| Critères diagnostiques cliniques de la maladie d’Alzheimer probable | - Déficit dans au moins deux domaines des fonctions cognitives - Aggravation progressive de la mémoire et d’autres fonctions cognitives - Pas d’altération de la conscience - Début entre 40 et 90 ans, le plus souvent après 65 ans - Absence de cause systémique ou d’autres affections cérébrales pouvant être rendues responsables des troubles |
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| Eléments en faveur du diagnostic de maladie d’Alzheimer probable | - Détérioration progressive des fonctions spécifiques : langage (aphasie), habiletés motrices (apraxie) et perception (agnosie). - Perturbation des activités quotidiennes et du comportement - Notion familiale de troubles similaires - Normalité des examens paracliniques : LCR normal, EEG normal ou non spécifique, atrophie cérébrale ou CT scan |
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| Autres aspects cliniques compatibles avec le diagnostic de maladie d’Alzheimer probable | - Plateaux dans la progression de la maladie - Associations de symptômes de dépression, insomnie, incontinence, hallucinations, accès d’agitation verbale ou comportementale, troubles sexuels, perte de poids - Autres symptômes neurologiques chez certains patients, en particulier dans la phase évoluée de la maladie : hypertonie, myoclonie, troubles de la marche. - Crises comitiales tardives - CT scan normal |
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| Aspects rendant improbable le diagnostic de maladie d’Alzheimer | - Début soudain - Signes neurologiques focaux tels que : hémiplégie, déficit sensitif, altération du champ visuel, incoordination, survenant en début d’évolution. - Crises comitiales et troubles de la marche survenant très tôt dans l’évolution de la maladie. |
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| Diagnostic clinique de la maladie d’Alzheimer possible | - Sur la base d’un syndrome démentiel et en l’absence d’autres troubles neurologiques, psychiatriques ou systémiques suffisants pour causer la démence, lorsque le mode de début, la présentation et l’aspect évolutif sont atypiques - En présence d’une autre affection systémique ou neurologique suffisante pour causer la démence mais considérée comme n’étant pas la cause de démence, - Lorsqu’un déficit cognitif isolé et sévère s’aggrave progressivement en l’absence d’autres causes identifiables |
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| Critères diagnostiques de maladie d’Alzheimer certaine | - Les critères de maladie d’Alzheimer probable et la preuve histopathologique obtenue par biopsie ou autopsie. |
S’il existe actuellement des stratégies de prévention pour certaines démences (par exemple, pour la démence vasculaire, la correction de l’hypertension artérielle et la prévention des accidents vasculaires cérébraux sont primordiaux), il n’en existe pas de démontrées pour la DTA qui a une origine multi-factorielle. Toutefois, une de nos études (Fargier, Thomas-Antérion, Honoré-Masson, Girtanner & Gonthier, soumis) analysant notamment les antécédents médicaux de 120 patients pour lesquels un diagnostic de syndrome démentiel a été porté, montre que l’hypertension artérielle est un antécédent largement présent dans la population des 87 patients diagnostiqués DTA ou MAPD. Les conclusions issues de ce genre d’observations doivent rester prudentes. Cependant, elles reflètent la constante recherche de nouveaux critères neuropsychologiques diagnostiques.
Un autre champ d’investigation prometteur se situe dans la recherche de marqueurs diagnostiques biologiques de la DTA. Actuellement, quelques pistes émergent. L’étude princeps de Hulstaert et al. (1999) a montré que le dosage combiné des taux de béta amyloïde et de protéine tau dans le liquide céphalorachidien était plus important chez les DTA que chez les sujets âgés sains. Les travaux réalisés en imagerie s’intéressant au volume de la formation hippocampique se développent également. Ils tendent à montrer qu’une diminution du volume de l’hippocampe précède l’apparition des troubles cognitifs chez les sujets à risques (Jack et al., 1992 ; Visser et al., 1999). Un dysfonctionnement de cette structure serait également observable chez des sujets présentant des déficits mnésiques ressemblant à ceux présent en début de DTA (Small, Perera, DelaPaz, Mayeux & Stern, 1999). Les conclusions de ces différentes études sont donc encourageantes, mais elles restent surtout des mesures de susceptibilité de présence de la DTA.
Tout comme la neurobiologie, les connaissances issues de la neuropsychologie peuvent jouer un rôle prépondérant dans l’établissement précoce d’un diagnostic de DTA, notamment en mettant au point des outils de plus en plus fins pour évaluer les effets de la DTA sur les fonctions cognitives des patients. Dans le paragraphe suivant, nous proposons une synthèse des effets de cette pathologie sur les connaissances sémantiques, objet central de notre recherche. Ce bilan nous permettra de mettre en évidence les points de divergence actuels auxquels nos études peuvent apporter des éléments de réponse.
Avant cette analyse, la désignation de cette pathologie en termes de démence de type Alzheimer, plutôt que maladie d’Alzheimer est donc préférable.