LA RELATION : MERE-ENFANT

A la naissance et au niveau biologique, l’équipement adaptif du nouveau-né est considéré restreint au niveau comportemental : il se réduit à un schéma, celui de succion, il est, soit disant, biologiquement adapté à son nouveau milieu de vie, cependant sa survie dépend en fait complètement de son entourage humain.

Sans l’ensemble des soins qu’offre le milieu à l’enfant, il ne saurait subsister, car au-delà de cet apport matériel d’une simple fourniture d’aliment, d’une simple assurance élémentaire, c’est à partir de la dépendance absolue que s’instaure progressivement tout un plan d’échange, de relations affectives, entre l’enfant et ceux qui s’occupent de lui, au premier chef, bien entendu, sa mère.

Certains auteurs, comme Henri Wallon, ont insisté sur cette idée qu’il faut situer dans cet échange les assises mêmes de la construction de la personne5.

Le rôle de la mère ne se limitant pas à assurer les divers soins à l’enfant, il est presque évident que les soins matériels, si complets soient-ils, ne suffisent pas au développement de l’enfant, tout de même restent-ils signes de témoignage d’amour, mais dépendent en large part, de l’affection de la tendresse présentées à chaque reprise à l’enfant.

Cette relation est importante pour la « genèse des premières relations objectales ». Elle montre que l’enfant ne peut opérer, comme disait Henri Wallon, la première distinction entre ce qui deviendra « l’autre », sans l’aide d’une personne privilégiée qui lui offre le nécessaire support de cristallisation. C’est d’ordinaire la mère, mais ce peut être une autre personne dans la même position et apportant les mêmes soins avec une fréquence suffisante.

Mais cette personne privilégiée ne peut toujours satisfaire les besoins et les désirs du bébé. Parfois et pour des raisons diverses, la mère tarde à le nourrir ou à le changer, et ceci est heureux, car cette frustration vécue intensément par l’enfant va l’aider à découvrir progressivement, par l’absence de la personne privilégiée, son existence même. Ainsi se montre-t-elle en tant qu’objet, en tant que « l’autre » au regard de ce qui pourra se situer comme «je».

L’absence de mère stable pendant les premières années (et surtout les trois premières années) forme une des sources les plus graves d’inadaptation infantile.

Dans son livre, Roger Perron6, d’après une analyse soigneuse, en impute la responsabilité à de véritables distorsions de la relation mère-enfant, qui pèsent sur le développement de ce dernier ; cependant il exprime son inquiétude face à la littérature attribuant aux parents, et d’abord à la mère, la responsabilité de la distorsion du développement de l’enfant dans tout cas d’inadaptation infantile : ‘«’ ‘ l’implication étant que la mère ne sait pas, n’a jamais su, aimer son enfant comme il conviendra’ », il pose, qu’une telle affirmation, ainsi généralisée, n’a « guère de sens ».

Une telle littérature tend fort à culpabiliser les parents sensibilisés par les difficultés de leur enfant et mal préparés à comprendre les notions en cause. De même elle tend, de façon erronée, à considérer « l’enfant comme l’objet passif de sa mère ».

La mère alors forme le premier axe du repère de différenciation moi-autrui, le père en forme le second, et peu à peu le système des échanges se précise et s’articule sur les deux figures parentales, progressivement différenciées et situées l’une par rapport à l’autre. Ceci provoque toute une redistribution des craintes et des désirs, des frustrations et des satisfactions, etc., par (ou) s’élabore la personnalité de l’enfant.

Notes
5.

- Henri Wallon, Les origines du caractère chez l’enfant (troisième partie), Paris, Presses Universitaires de France, 1949.

6.

-Roger PERRON, Les enfants inadaptés, op. cit., pp 25-26.