Où situer, où placer le père ?

‘« Je ne déteste pas mon père ; je ne comprenais pas bien son utilité »
Jacques Perry’

Le père n’assurait plus les conditions de vie ni de logement, le contexte de la famille prend avec la guerre d’autres significations, on trouve parfois ses membres éparpillés par l’exode, ici et là sur le même territoire du pays, même on rencontre deux frères appartenant chacun à deux milices opposées faisant leur guerre dans une même maison, les parents se trouvant au milieu, ne sachant quoi faire!

Devant la puissance infinie des milices, à cette époque, on obligeait souvent les jeunes garçons qui résistaient encore à l’éblouissement de leurs pouvoirs absolus, par force et menace, à en devenir membre. Le chef du groupe (du milice) prenait la place et le rôle du père pour ces membres, devenant à sa place guide et tout puissant leur transmettant ses propres règles et principes déviants. La famille était alors remplacée, les rituels sociaux semblaient imprégnés par cet afflux, on ne respectait plus que la force et on n’avait confiance qu’aux armes tenues sur les hanches. Tout devenait maintenant non fiable, les bords des limites disparaissaient sur la carte de la conscience individuelle.

Quelle que soit leur appartenance, les milices avaient recours aux drogues et à l’alcool, pour renforcer leurs influences et éloigner le stress de ses membres. Le taux d’alcoolisme et de toxicomanie devenait important chez ces jeunes hommes ainsi que l’usage à la fois de l’abus sexuel et des violences physiques.

Le père cesse d’être signifiant de la loi, ne réclame plus l’interdit, perdait son pouvoir, son expression, la communication était désormais rompue entre le père, chef de famille et les autres membres, d’où un conflit relationnel entre père-fils, une rupture entre les générations. La notion de parentalité perdait son sens, vivre la paternité était devenue insupportable devant ce poids, et la référence paternelle était transmise à un autre pouvoir : la milice!

La guerre a fait perdre l’oeuvre du père, sa signification, son site et son appel « ‘au sujet à se situer sur l’axe de générations et à y prendre place, sa place, lieu de vérité’» d’où il peut parler en son nom et dire ‘«’ ‘ je’ »10.

« La possibilité, pour un père et un fils, de se parler tient à un acte de réconciliation, des générations sur leur place distinctive », assure encore Joël Clerget.

Qu’apporte à ses enfants comme avenir, fruit d’une relation muette, sans parole d’un père exclu, un père carent qui n’assume pas sa tâche, ou absent par la mort ?

Notes
10.

- J. CLERGET, Places du père ; Violence et Paternité, op. cit. p 64.