L’école

La plupart des études ne trouve pas de lien entre le milieu scolaire et la délinquance. Par contre, la relation entre l’inadaptation scolaire et la délinquance s‘avère beaucoup plus significative.

Les études de West28 et Loeber29 ont montré que l’inadaptation scolaire au niveau élémentaire est un prédicteur efficace de délinquance, LeBlanc et Fréchette ajoutent qu’elle l’est aussi au secondaire.

Devant plusieurs question concernant les causes réelles qui rendent le vécu scolaire source de délinquance, Laberge- Altemejd30 a effectué une analyse des écrits qui mettent en rapport le fonctionnement à l’école et l’inadaptation dans laquelle il a identifié sept composantes du vécu des écoliers : les performances scolaires, l’image de soi en tant qu’écolier, les aspirations scolaires et professionnelles, l’attitude générale face à l’école, les relations avec les enseignants, les réactions des enseignants à la conduite des élèves et le support de la famille.

L’étude de ces composantes leur a permis de saisir la dynamique de l’adaptation scolaire et de déterminer le degré d’engagement dont le jeune est capable.

L’attitude face à l’école apparaît la clé dynamique, car c’est elle qui lie les diverses composantes de l’engagement scolaire, elle est la composante subjective, très personnelle, de l’expérience scolaire de l’élève. L’image de soi est l’autre variable qui s’avère très intéressante : elle influence directement le niveau d’aspirations, l’attitude face à l’école et surtout les performances. Par contre, une image de soi détériorée et négative entraînera le désengagement de la part de l’élève, menant isolement parfois prononcé.

Le désengagement est une source non négligeable d’inadaptation à l’école, sans doute qu’il intervient aussi des facteurs écologiques (école au milieu défavorisé, école dans une zone de forte délinquance, etc.), organisationnels (grandeur de l’école, etc.), institutionnels (programmes, système de classement des élèves, etc.), et probablement des facteurs psychologiques, notamment la capacité intellectuelle.

‘« L’école devient source de délinquance dans la mesure où elle est aussi, pour le jeune qui s’y trouve, source d’inadaptation proprement scolaire, celle-ci activant celle-là, et c‘est le très faible niveau d’engagement à l’endroit des valeurs que l’école symbolise et des modes de fonctionnement qu’elle prône qui se révèle l’expression la plus significative de cette inadaptation. Ainsi se trouve confirmé le rôle de l’école comme instance importante de socialisation »31.’

Nous sommes tous conduits à priori à croire que l’abandon scolaire exerce le même impact négatif à la vie sociale que le désengagement. Les résultats des études s’intéressant à cette question varient entre pour et contre. Certains auteurs soutiennent la thèse contraire, selon laquelle le fait de quitter l’école réduirait les frustrations qu’elle engendre et contribuerait ainsi à diminuer la motivation à se comporter de façon délinquante32. Ils ont pu effectivement démontrer que l’abandon scolaire fait décroître l’engagement dans l’agir illicite. Quand les décrocheurs scolaires réussissent à s’intégrer au marché du travail, leurs activités délinquantes diminuent substantiellement.

L’étude de LeBlanc montre que ce n’est pas ce facteur qui exerce l’influence la plus significative sur la régression de la délinquance, mais bien l’intégration positive au marché du travail qui en constitue l’élément-clé. En effet, il a noté une diminution deux fois plus importante (-0.49) de la délinquance criminelle que chez ceux qui n’y sont pas parvenus (-0.24), car ces derniers revivent sur le marché du travail les mêmes expériences d’échec et de frustration.

L’auteur finit par insister sur l’importance de l’accès au travail qu’il considère comme une source prioritaire de la relance de la socialisation à la fin de l’adolescence.

Notes
28.

- D.J. WEST, Delinquency : Roots, Careers and Prospects, London, Heinemann, 1982.

29.

- R. LOEBER, The Stability of antisocial and Delinquency : A Review, Child Development, vol. 53, P. 1431-1446, 1982.

30.

- D. LABERGE-ALTMEJD, Désengagement et inadaptation scolaires : prélude à la délinquance, Mémoire de maîtrise inédit, Université de Montréal, Ecole de criminologie.

31.

- LEBLANC et FRECHETTE, Délinquances et délinquants, op. cit. p 160.

32.

- ELLIOT et VOSS,1974.