Critique de la théorie

Sur le terrain théorique, des reproches critiquent les différentes figures de la normalité. En effet, si les sujets opératoires ne possèdent aucun des mécanismes défensifs psychonévrotiques, et si, de ce fait, ils sont vulnérables aux traumatismes psychiques et aux somatisations, comment expliquer que certains d’entre ces sujets puissent traverser presque toute la durée de leur vie, voire la totalité de leur vie sans jamais tomber malades ni mentalement ni somatiquement ? Quelle normalité peut donner une telle solidité qui puisse les mettre si longtemps à l’abri des affections somatiques elle-mêmes ?

En examinant de plus près le fonctionnement de la pensée opératoire, il semble qu’on puisse dorénavant esquisser une conception de la normalité et de la normopathie. La pensée opératoire n’est pas plus logique ni plus réaliste que la pensée imaginative du névrosé. Elle est seulement occupée par des stéréotypes socialement construits.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Le montage opératoire est un montage fait à partir des représentations socialement construites. Au maximum, le normopathe est un conformiste, qui épouse rigoureusement les modes de pensée et les conduites, les projets de vie et les représentations du monde proposés par le milieu social, culturel et politique dans lequel il est intégré.

Le normopathe assure la solidité de son économie psychosomatique et sa normalité de sa manière spécifique d’adhérer à l’imaginaire social.

Des chercheurs américains43, dans le but d’esquisser ce qui distingue la normalité de la pathologie, ont remarqué après avoir étudié un groupe de sujets, que ceux conservant toujours un certain équilibre au niveau psychique et plus précisément qui ne sont jamais été abattus par une dépression sont ceux qui avaient un certain bagage religieux et une foi considérable en Dieu, l’absolu pouvoir.

C’est en rejetant leurs ennuis et difficultés sur ce que Dieu « a écrit sur leurs destins » qu’ils considèrent que ces difficultés ne sont que des preuves dans la vie mortelle pour bien avoir mérité l’éternité44. En s’appuyant sur leur foi, l’investissement des défenses serait réduit et l’affrontement à la réalité serait plus souple, ils pourraient conserver leur équilibre psychique en adaptant et épousant rigoureusement les pensées conformes que représentent leurs croyances.

Notes
43.

- Etude publiée sur l’Internet.

44.

- C’est l’un des concepts les plus importants de la religion.