L’IDENTIFICATION ET L’IDENTITE PERSONNELLE

Selon le petit Larousse, « s’identifier » à quelqu’un, c’est « se rendre en pensée identique à » cette personne. Il faut cependant noter l’ambiguité fondamentale entre les deux termes, identité et identification : l’»identité» d’une personne, à l’inverse de l’identification, la rend à nul autre pareille. Cette ambiguité se trouve en fait dans la conception psychanalytique des processus d’identification, considérés comme essentiels dans le développement de la personnalité : l’enfant devient lui-même et différent de tout autre en se rendant « en pensée » semblable (et non pas identique) à d’autres. C’est alors à partir d’un jeu d’identifications multiples et de leur intégration dans le Moi que se constituera l’identité personnelle.

L’identification concerne l’ensemble des processus psychiques par lesquels le Moi tend à se rendre « semblable » (ou par opposition « dissemblable ») à telle ou telle personne et à côté de ça, de tel ou tel aspect de ses propres « objets internes ». Cependant, il est essentiel de ne pas confondre identification et imitation. Après avoir décrit les symptômes hystériques comme des phénomènes d’»imitations»67, Freud a progressivement ensuite abandonné cette notion, trop marquée par l’implication d’une reproduction consciente et volontaire, soulignant au contraire l’importance des fantasmes inconscients qui sous-tendent les identifications hystériques.

En élaborant les processus dynamiques permettant de fondre la notion psychanalytique de l’»identification», Freud mettra l’accent sur une étape importante qui sera marquée par la référence à un modèle d’»incorporation» dégagé par l’étude du processus mélancolique. Selon lui, en effet, tout se passe alors comme si au coeur du Moi il y a « incorporation dans le moi » de l’objet perdu68. Freud précise ainsi l’un des moteurs dynamiques de l’identification « ‘Quand le moi adopte les traits de l’objet, il s‘impose pour ainsi dire lui-même au ça comme objet d’amour en disant : ’tu peux m’aimer moi aussi, vois comme je ressemble à l’objet (... mais les choses sont compliquées...) deux facteurs sont responsables de cette complexité : la disposition triangulaire de la relation oedipienne et la bisexualité constitutionnelle de l’individu ’»69.

Le jeu des diverses identifications aboutit à construire le Moi, à travers ce qu’on appelle incorporation-projection.

Notes
67.

- En 1895-1900.

68.

- «Le processus normal du deuil, après la perte d’un objet cher, présente les mêmes caractéristiques, à cette différence près que le travail du deuil conduit progressivement au désinvestissement de l’objet perdu grâce à l’investissement de nouveaux objets. La référence est importante dans la reformulation de la théorie d’oedipe, puisque le renoncement à la réalisation des désirs incestueux correspondra, précisément, à un travail de deuil», PERRON et PERRON-BORELLI, Le complexe d’oedipe, op. cit., p. 96.

69.

- S. FREUD, Le Moi et le Ca, 1923, in Essais de psychanalyse, Paris, Payot, nouv. Trad. 1981, pp 242-244.