D’où vient-elle ?

Elle est un fait, c’est quelque chose qui se situe dans le passé mais qui n’a pas pu être intégré par un Moi encore trop fragile. Elle résulte de la destruction de l’objet primaire sous l’effet des attaques de l’enfant. Il est nécessaire que l’objet survive, afin que la destruction de l’objet primaire soit perçue comme un phénomène psychique, identifiable comme tel, et non un effondrement où tout s’écroule.

C. Balier constate très souvent dans les cas de compulsion au viol que l’enfant, le futur violeur, n’a pas forcément été lui-même la source de destructivité, mais a été le témoin impuissant de la destruction de la mère par un père très violent. L’identification narcissique aux deux protagonistes l’a amené alors à vivre dans une « confusion primaire à trois ». Dès lors, chez le garçon, le père est posé comme modèle ; et la rivalité avec ce modèle devient compatible avec l’amour et l’admiration que lui porte l’enfant. Le conflit continue entre le désir de le vaincre, d’être plus fort, plus séduisant, plus brillant, etc., et de multiples peurs : peur de trop bien réussir, et d’écraser ce père cependant aimé, mais aussi peurs contraires de ne pouvoir démontrer que sa propre faiblesse, d’être objet de raillerie, de mépris, de rétorsions douloureuses, etc. On peut expliquer cela, d’après une lecture plus méticuleuse du complexe d’oedipe en partant de l’identification secondaire100 de l’enfant à un des parents de même sexe.

Quelles que soient les difficultés, cette possibilité d’être comme le parent de même sexe va être un facteur essentiel de la résolution du complexe d’oedipe : je serai comme mon père, mais avec une autre femme. L’objet désiré ne sera plus dès lors le parent de l’autre sexe, mais une autre personne qui lui est « semblable » (par son appartenance sexuelle mais aussi par bien d’autres caractéristiques). Cet aspect du conflit oedipien est particulièrement intense et durable, bien au- delà de la relative accalmie de la période de latence, il surgit parfois d’une façon dramatique, chez certains adolescents.

Cet enfant, témoin de la destructivité d’un être cher qui n’est autre que sa mère et par l’identification secondaire à son père, ne cherchera-t-il pas, en violant ou agressant une femme, à être semblable à son père ou à être tout puissant ; en craignant de montrer ses propres faiblesses devant un père tout puissant, cherchera-t-il à imiter son père ?

Notes
100.

- Les identifications de la période oedipienne sont dites « secondaires » dans la mesure où elles supposent la traversée du conflit oedipien et la nécessité de lui trouver une issue. Ainsi, pour le garçon, cette identification au père lui permet de « conserver l’objet maternel du complexe positif » : le garçon renonce à la possession de sa mère mais préserve et prépare par cette identification paternelle (masculine) la possibilité d’investir ultérieurement un nouvel objet féminin (autre que la mère).