LA RECIDIVE

Quand la victime ne porte pas plainte, le succès de l’homme est double. Non seulement il a vécu une situation qu’il désirait, mais il a fait en sorte de pouvoir recommencer librement. Le succès appelle la répétition.

Cependant, tout violeur même incarcéré mais qui n’a subi aucune thérapie est un récidiviste, d’après une étude faite au Canada par R. Karl Hanson et Monique T. Bussière intitulée : « Les prédicteurs de la récidive chez les délinquants sexuels » (en 1996).

Pour la période de suivi moyenne de quatre à cinq ans, le taux de récidive sexuelle global était de 13.4 % (n = 23 393), le taux de récidive non sexuelle avec violence, de 12.2 % (n = 7 155) et le taux pour toute récidive, de 36.3 % (n = 19 374). Les violeurs étaient beaucoup plus susceptibles de récidiver en commettant une infraction non sexuelle avec violence (22.1 %) que les agresseurs d’enfants (9.9 %). Il faut toutefois prendre ces moyennes sous toute réserve étant donné qu’elles sont basées sur des études diverses et que de nombreuses infractions d’ordre sexuel ne sont pas décelées.

Les plus importants prédicteurs de la récidive sexuelle étaient les caractéristiques liées à la déviance sexuelle et, à un moindre degré, les variables criminologiques générales.

Ces prédicteurs incluaient les évaluations phallométriques de préférence sexuelle pour les enfants (r = 0.32), l’existence d’infractions sexuelles antérieures (0.19), l’âge (-0.13), la perpétration des premières infractions sexuelles à un âge précoce (0.12), toute infraction antérieure (0.13) et le fait de ne jamais avoir été marié (0.11). Le risque de récidive était plus faible pour les délinquants qui avaient des liens de parenté avec leurs victimes ou qui connaissaient celles-ci (membres de la famille < connaissances < inconnus).

Les délinquants qui n’avaient pas suivi un programme de traitement ou qui l’avaient abandonné présentaient un risque plus grand que ceux qui avaient achevé un tel programme.

Les variables prédictives de la récidive non sexuelle chez les délinquants sexuels étaient les mêmes que celles qui permettent de prévoir la récidive chez les autres délinquants (Andrews et Bonta, 1994 ; Champion, 1994). Tant les récidivistes non sexuels violents que les récidivistes en général tendaient à être jeunes et célibataires, à manifester une personnalité antisociale ou des troubles psychotiques, à appartenir à un groupe racial minoritaire et à avoir des antécédents d’infractions avec et sans violence.

Les violeurs commettaient plus souvent de nouvelles infractions non sexuelles que les agresseurs d’enfants. Les auteurs d’incestes risquaient moins de commettre de nouvelles infractions non sexuelles que les autres délinquants sexuels.

Grâce à l’efficacité statistique de la méta-analyse, il a aussi été possible de cerner des facteurs non liés à la récidive. Il n’y avait par exemple pas de relation entre la récidive sexuelle et le fait d’avoir été victime d’exploitation sexuelle dans l’enfance, la toxicomanie et des problèmes psychologiques généraux (comme l’angoisse, la dépression et le manque d’estime de soi). Il n’y avait pas non plus de relation entre les problèmes psychologiques et la récidive non sexuelle. Une comparaison des résultats de la méta-analyse à ceux d’autres recherches (McKibben, Proulx et Lusignan, 1994) a révélé que l’état de détresse dans lequel se trouvent les délinquants sexuels ne constitue pas une variable prédictive de la récidive, mais que les délinquants sexuels semblent réagir à cette détresse de façon déviante.

Même si l’on a constaté l’existence de relations entre de nombreux facteurs et la récidive, ces relations étaient plutôt modestes (0.10 à 0.20). Même les prédicteurs les plus puissants, comme les préférences sexuelles déviantes ou des infractions sexuelles antérieures, n’étaient pas assez fiables pour que leur utilisation exclusive soit justifiée. Logiquement, la question qu’il fallait ensuite se poser était celle de savoir dans quelle mesure l’on peut prévoir la récidive à partir de combinaisons de facteurs de risque. En général, les évaluations cliniques ont produit des résultats médiocres (0.06 à 0.14) par rapport aux méthodes statistiques d’évaluation du risque (0.42 à 0.46). Toutefois, il ne faudrait pas surestimer l’exactitude prédictive de ces dernières, étant donné qu’elles n’ont pas été appliquées à d’autres échantillons.

En conclusion, des manières d’amélioration des évaluations du risque sont suggérées chez les délinquants sexuels. Presque tous les facteurs de risque étaient basés sur les

antécédents (par ex., infractions antérieures) ou étaient extrêmement stables (comme les troubles de la personnalité) ; il faudrait donc essayer de trouver des facteurs de risque dynamiques. Ces facteurs pourraient être utilisés pour évaluer les changements attribuables au traitement et le moment auquel les délinquants risquent de récidiver.