CHAPITRE 2
QUESTIONS PROBLEMATIQUES
HYPOTHESES
PROBLEMES METHODOLOGIQUES
ET ENTRETIENS

QUESTIONS PROBLEMATIQUES

Notre démarche ne consiste évidement pas à définir une « normalité », ni des critères de pathologie, ni à trouver une certaine théorisation engendrant les comportements sexuels déviants, car lorsque l’on parle d’un auteur de délits sexuels il faut se référer à une personnalité qui baigne dans un milieu social donné, et non pas de délinquant sexuel caractérisé uniquement par ses actes.

Dans notre recherche, on va essayer de soupeser chaque thèse, qu’il s’agisse des institutions éducatives, de l’environnement, des relations parents-enfants ; de même pour les conditions, les facteurs, manifestations, effets, etc., de ces processus.

Cependant l’inadaptation causée par le mauvais fonctionnement de l’intégrité des appareils sensoriels et moteurs ne sera pas étudiée dans cette recherche, dans le cas où le handicap est lui-même cause d’inadaptation, puisque la perception, l’activité, l’expression, la communication, etc., sont sensiblement limitées.

Nous convergerons vers les vrais facteurs menant à la délinquance, plus spécifiquement aux agressions sexuelles! Beaucoup de questions, d’hypothèses et d’approches se posent :

Est-ce la famille ? L’absence d’un individu et (ou) la dominance d’un autre, dans la même cellule familiale ? Les rôles mal distribués entre les membres de la même cellule ? Est-ce la nature de la relation entre mère-enfant ? Le père absent, carent, n’assumant pas son rôle, ou exigeant ? Un père violent ? La mauvaise entente entre les deux parents ? La violence familiale ? La mauvaise distribution des rôles parentaux ou, au-delà de la cellule familiale, ce qui est en rapport avec les apports éducatifs et culturels ?

Quel est le repère d’identification des agresseurs ? Quelle place donnée à la relation mère-enfant et père-fils ? Comment les cas étudiés ont-ils pu maîtriser leurs vies et selon quelle méthode, est-ce par la délinquance ? Est-ce à travers les agressions sexuelles ?

L’enfant, le futur délinquant, à sa manière, trouve-t-il dans la délinquance l’unique moyen de protester ? Que veut-il dire ? Que veut-il réclamer ? Que veut-il transmettre ? L’agression sexuelle est-elle une réponse à une inadaptation ?

La notion d’inadaptation infantile évoque l’idée d’un mauvais ajustement entre l’individu et son entourage. La question actuelle persiste de parvenir à un dosage mieux équilibré à un des deux types d’attitudes. Dans l’opposition entre « normale » et «pathologique » l’analyse s’avère beaucoup plus délicate.

La notion d’» enfant inadapté » n’a pas de sens si l’on ne se demande à quoi, en quoi, pourquoi un enfant est inadapté ? Alors cette notion ne doit pas s’employer de façon intransitive.

Il faut se demander ce qu’il faut entendre par « adaptation » ; à l’enfant inadapté : qu’est-ce qui manque dans son organisation ?

Dans sa théorie psychodynamique Freud, suggère que l’énergie des trois composantes de la psyché le Ca, le Moi et Surmoi soit en agitation constante. D’autres théoriciens disent que les auteurs des agressions sexuelles ont une très faible Surmoi (morale) et un Ca très puissant (impulsions sexuelles, libido, etc.). En effet, durant sa carrière, Freud introduit à travers sa « théorie de séduction » son idée concernant les violences sexuelles dans laquelle et après plusieurs révisions, il développe l’idée de l’inconscient et les mécanismes de défense qui ont pour but de protéger le Moi. Les agresseurs sexuels accomplissent-ils leurs actes en comptant sur les défenses du déni, le déplacement et la projection ?

D’autre part, la relation « mère-fils » peut être parfois la cause de la délinquance sexuelle. Des recherches montrent que la relation « mère-fils » des agresseurs sexuels est qualitativement différente des autres individus, souvent la mère de l’agresseur est à la fois « froide et chaleureuse », « aimable et haïssable ». De plus, plusieurs mères initient une relation incestueuse avec leurs fils, qui n’est pas forcément une relation incestueuse physique mais qui tend à mettre le fils dans la place de l’époux.

La combinaison des concepts mentionnés ci-dessus peut-elle développer chez les jeunes individus une déviance sexuelle ?

Si oui, est-ce vrai pour les sociétés occidentales ; quel est alors le cas pour notre propre société libanaise ?

Notre société est une société patriarcale ; une importante place est réservée au rôle du père dans le développement et l’éducation de ses enfants. Cela nous a offert un piste de réflexion, différent de la plupart des autres recherches sur ce sujet : si le père est supposé posséder une place prédominante dans le développement de l’individu et dans sa conception identitaire, que se passe-t-il, alors, si le père n’assume pas son rôle et ne tient pas ses responsabilités ? Quelle conséquence aura une imago mal intériorisée ou celle d’un père carent, défaillant ou même violent ?

Quelle importance a le rôle du père dans la représentation du Surmoi et par suite au passage à l’acte délictuel ?

Nous savons que ce qui aide à la disparition ou la destruction du complexe, selon Freud, est le développement d’un Surmoi transmit par l’autorité du père ou des parents, alors, une autorité paternelle carente, défaillante, mal représentée ou absente serait-elle la cause de ce refoulement dans l’inconscient, dans le ça ? Serait-elle derrière les manifestations et le passage à l’acte du délit sexuel, par exemple ?

Cette nouvelle piste de réflexion nous a conduite à formuler une nouvelle hypothèse que nous avons ajoutée à nos hypothèses de départ.