Interprétation

Selon ses dires, leur vie familiale d’origine ne connaissait aucun problème, tout était naturel, leurs relations sociales se limitaient à celles entre les parents.

M.E.H a vécu un traumatisme précoce narcissique douloureux qui a menacé sa vie, il a été hospitalisé pour une année complète, suite à un accident précoce qui lui a causé des graves brûlures, il s’agissait d’une explosion de gaz : « je voulais préparer le thé ».

Il faut se rappeler que M.E.H est d’une société villageoise, préservée, traditionnelle. Ses propos nous révèlent plusieurs conflits dûs à son milieu ainsi qu’à son développement psychique. « Je m’agis spontanément, de ma tête, je n’y pense pas, si j’ai pensé, je n’aurais pas dû arriver là », « si je possédais une tête, j’aurai pas dû venir ici, je n’ai aucune pensée, pas du tout », cela nous fait douter de la façon dont il s’est éveillé sexuellement et nous pose des questions ; que la répression, selon Freud, a pu affecter l’activité intellectuelle de l’individu et sa façon de réfléchir sur les autres thèmes de la vie.

Plusieurs témoignages révèlent son incapacité à mener des relations sociales ordinaires, il se replie sur lui-même ; être en présence des autres lui cause un état d’inconfort, « non, je ne me repose pas dans la société, naturellement je suis timide », « j‘ai des amis dont la relation est superficielle », « Je n’ai pas d’amis, sauf au boulot..., moi et les travailleurs, pas tellement..., sauf au boulot », certaines expressions qui nous laissent penser que dans sa vie sociale et professionnelle, ses moyens de communications avec les autres sont limités et même nuls. Même dans sa vie amoureuse, son expérience est insatisfaisante «personne n’a jamais aimé dans sa vie, mais rien n’est allé bien avec lui, pas d’argent pour travailler », il parle de lui-même à la troisième personne, sa vie sexuelle est selon ses dires inactive « ma vie sexuelle, il n’y a rien ». Tout au long de l’entretien il attribue ses problèmes et ses déceptions au manque d’argent. Son échelle comparative des gens est en relation avec l’argent : « si quelqu’un possède un bon état financier, il est mieux que moi, il vit et moi sans emploi » ;que représente l’argent pour lui, serait-il symbole du phallus ?

De sentiment d’angoisse, de tristesse, du noircissement, d’insatisfaction, du désespoir et d’anxiété apparaissent, « je suis toujours triste», « je n’ai pas encore fait une tâche qui m’a rendu heureux, au contraire, je me suis perdu de mes propres mains », «j e souhaite, si je ne suis jamais né », « avant mes vingt ans tout passe bien ». Selon Freud, quand la satisfaction d’une partie libidinale provoquée n’est pas satisfaite ni employée, alors, à la place de cette libido détournée de son utilisation, survient l’état d’anxiété ; de même, il ajoute que le Moi agit contre l’irruption des motions pulsionnelles, par le signal de déplaisir ou d’angoisse qu’on rencontre de façon massive dans notre cas.

Sur les circonstances qui lui ont amené ici, il attribue tout au destin « sur le destin, le destin m’a emmené ici », une défense sous forme de clivage.

Au début de l’entretien, il essaie de nous convaincre qu’il consomme peu d’alcool et cela selon les occasions « un peu, une fois par mois, selon les occasions ou quand je possédais de l’argent » alors que, lorsqu’il nous racontait les circonstances qu’ils l‘ont amené en prison, il nous révèle qu’il consommait parfois de la drogue sous forme de pilule ;»au cours de ma recherche d’un travail, je n’ai senti que cela s’est passé, je ne sais pas, je me suis aperçu à la maison d’arrêt, une personne palestinienne qui travaillait avec moi me donnait une pilule, je la consommais parfois » ; du procès, il continue « homicide, je marchais, il était dans la rue, je l’ai cru le propriétaire, de la terre, il avait une avec lui (en désignant la jeune fille), je me suis querellé avec lui, le coup de feu s’est échappé du revolver (et la fille ?) elle n’a rien » chez les enquêteurs, il évoque son incapacité à consommer, il n’a pas pu la pénétrer. La dernière phrase pourrait nous révéler cette impuissance d’y arriver. A signaler qu’il n’était pas sous l’effet de la drogue lors du passage à l’acte.

Du viol, il ne nous dit rien, parle, il nie son crime, il invente une histoire illogique, pourquoi un travailleur se déplacerait-il avec un revolver ? Que faisait-il dans la région de crime (dans le champ) ? En réalité, il a bien préparé le scénario du passage à l’acte, il est sorti à la recherche d’une victime, trouvant un couple amoureux dans une région isolée, se présente comme un homme de sécurité, prend la victime à part, essaie de l’attaquer, son petit ami s’oppose à lui, en essayant de la protéger, de la sauver, il paye de sa vie.

Le manque d’argent comme symbole du phallus serait derrière le déclenchement du passage à l’acte, est-ce le manque d’argent derrière le déclenchement du passage à l’acte. Le meurtre d’une figure masculine remplacerait le désir inconscient du meurtre du père et l’envie de pénétrer la mère. Malheureusement, le contenu de l’entretien nous révèle peu de choses sur la conception oedipienne et ses représentations, cependant nous pourrions deviner certaines réalités sur ce sujet, le mot « mère » évoque un certain sentiment de possession profonde à M.E.H « ma mère », sa mère, à lui seul, refuserait-il toujours le partage avec le père, serions-nous devant un conflit oedipien toujours non résolu ? Les imagos de la femme et la mère seraient confondues, au mot « seins » il reste un moment silencieux puis me demande le sens du mot en argot en disant « elle », elle qui ? La mère ou la femme ?

Le père est absent dans cet entretien, cette absence pourrait être indicative et significative surtout que le mot «père» lui évoque le mot « frère », cela traduirait son désir toujours présent de le remplacer, autrement dit, pour exister en tant que soi, il faut éliminer l’autre, le rival.