Interprétation

La plupart des membres de sa fratrie ont suivi des études supérieures, surtout les filles, son frère n’a pas accompli la phase primaire et à présent pratique le métier de mécanicien, le cadet des garçons est toujours à l’école secondaire. Leur maison était composée de cinq chambres, les filles dormaient ensemble, les garçons de même, et les parents dans une autre chambre.

« Mon père est le plus grand de sa famille pour cela, il était responsable d’elle, chacun ayant des problèmes chez lui, courrait chez nous, ma tante, ma grand-mère..., ma tante est restée chez nous environ trois mois. Les deux étaient responsables (le père et la mère) de l’éducation et de la punition (battre), des coups légers..., se fâcher et laisser la maison n’étaient pas permis ! ».

Il semble que le père possédait une place très respectable chez tous leurs parents ce qui lui donna une certaine autorité, les membres de sa propre famille, semble-t-il, évitait de l’affronter. Les comportements déviants n’étaient ni admis ni tolérés, surtout pour l’aîné qui selon sa société doit être à l’image de son père. Il semble que l’enfant supportait mal ce fardeau et ne pouvait s’en libérer. Le passage à l’acte traduirait-il sa tentative d’éprouver sa propre identité ? A force qu’on attende trop de lui, l’enfant semble être incapable d’être à la hauteur des exigences de ses parents d’une part, de la société d’autre part.

Un père fort sans être réellement violent, l’enfant, semble-t-il, vivait soit directement sous son emprise soit à travers la parole de la mère «au nom du père».

Malgré son incarcération, il garde toujours des projets d’avenir dont en premier lieu «Se former et l’indépendance dans ma vie ».

De sa mère nous savons peu de choses, néanmoins le nombre de ses enfants pourrait nous donner des indications sur son rôle, elle jouait bien le rôle imposé par sa société ; l’enfantement et obéir à son époux sans vraiment paraître prête à contrarier celui que tout le monde respecte et y ait recours ; son mari! A.Y., serait-il témoin d’une destructivité non d’ordre physique, d’un être cher qui n’est autre que sa mère ? Sentirait-il son effondrement? Serait-il personnellement menacé d’être à son tour anéanti ? Le « goût amer» traduirait-il l’angoisse de ce sentiment ?

A.Y. ne nous laisse pas vraiment l’opportunité de le connaître, les questions posées semblent incapables de répondre à nos besoins Cependant une série de réflexions que A.Y a lancées suite aux multiples mots à propos desquels nous lui demandons ce qu’il en pense, pourrait nous mener vers le noeud de son problème et savoir où le problème jadis s’est posé, pour lui « père » lui dit « mère », « mère » « père » ; « homme » « femme » ; « époux» «femme »; « sein », un silence... balbutie des mots incompréhensifs, puis nous dit « rien »! Tout semble à la première impression indiquer une régression sur la phase pré-oedipienne, cela nous fait penser à la confusion entre les imagos parentales et leurs rôles, cependant une réflexion plus approfondie nous incite à penser que l’adjectif contradictoire qualifierait mieux sa réflexion, et peut au contraire nous amener au fait que la distinction des sexes et des rôles s’était bien établi durant le développement de la phase oedipienne pour A.Y. durant sa phase oedipienne, car chaque sexe fait appel à son sexe contraire. Il nous reste à savoir comment il conçoit la scène primitive!

Plus d’une fois, il évoque son dégoût et son mépris envers les relations sexuelles «de ma vie affective, j’en suis satisfait, j’ai pas une vie sexuelle dans ma vie moi». «Ce qui m’a emmené en prison m’est pas arrivé, aucune relation sexuelle m’est arrivée, car je l’aime pas» toujours, il utilise cette forme de phrase, toujours l’acte vient à lui et ne part pas de lui, il ne dit pas : j’ai eu aucune relation sexuelle mais au contraire, c’est la relation qui prend la relève et qui lui arrive, serait-ce pour nous dire qu’il a subi une relation sexuelle, qu’il a été victime à son tour d’un abus sexuel qui lui cause toujours du dégoût ? Cela l’aurait-il mis face à un sentiment d’anéantissement, était-il sous l’effet d’un traumatisme narcissique précoce ?

D’autre part, ce « dégoût » nous invite de même à imaginer la façon dont il concevait la scène primitive, en découvrant la réalité de la vie sexuelle de ses parents, expérimenterait-il ce « dégoût » ?

A noter que durant tout l’entretien, il n’évoque ni de près ni de loin le sujet de sa fiancée, cela nous fait nous poser la question : Comment va-t-il se marier s’il déteste les relations sexuelles ? Ce qui nous fait en douter, serait-ce un essai d’identification ?

De ce qu’on lui reproche, il nous raconte brièvement l’histoire du viol en le niant rapidement, sans oublier de nous dire que la victime a dit qu’il ne s’est pas passé dans les vignes. Pourquoi a-t-il signalé le lieu du passage à l’acte à l’exception de tous les autres détails ? Les vignes sont-elles signe du fantasme dans l’accomplissement de l’acte ? «Les vignes», l’arbuste plante, formeraient-elles avec leurs branches un lieu idéal de cache et d’abri, ses fruits étendus lui rappelleront-ils le phallus ?

Note : Il refuse de dessiner.