Interprétation

Il débute l’entretien en parlant du décès de sa mère suite à une maladie cardiaque «mon père est marié « khatifé » (ce qui veut dire en arabe : Sans le consentement des parents), ma mère est chrétienne, il s’est marié (son père), un an après, il a eu quatre enfants... toute la fratrie de ma mère sont déjà mariés, je suis le plus petit.... Ma mère, il n’y a pas plus bonne qu’elle mais mon père est un peu nerveux, quand il s’irrite, il voit plus devant lui, il tape... quand il se querellait avec ma mère il se vengeait de la maison, il cassait tout autour de lui...»

Tout d’abord, il parle de sa mère ensuite passe au sujet de son père puis revient à sa mère. De ces quelques lignes imprécises, nous avons l’impression que les imagos parentales avec leurs significations et représentations sont mises en jeu.

Le développement affectif est un processus continu qui débute même avant la naissance, certains dangers éventuels, pouvant troubler ce développement, sont à craindre. Cela nous interroge sur la nature de l’environnement accompagnant le développement de l’enfant. Sa naissance advient en même temps qu’avec le début de la guerre civile libanaise (en 1975) ; sa famille d’origine vivait dans un quartier très sensible, cible de bombardements et de tirs durant toute la période de guerre, nous nous demandons comment une femme pouvait s’occuper d’un nouveau-né avec six autres enfants avec toutes ces difficultés, sans oublier bien entendu, le mauvais tempérament de son mari. Cela a peut-être provoqué chez l’enfant des affects de « bonne »et « mauvaise » mère, des sentiments de haine et d’amour envers une mère instable.

J.K semble idéaliser sa mère, peut-être cette dernière n’était pas aussi bonne qu’il le disait et que peut-être, la séparation ou bien encore, le désir inconscient refoulé de détruire l’objet primaire est derrière cette idéalisation.

Il semble que la mort de sa mère, suite à maladie (qui pourrait étayer ses fantasmes), a laissé l’enfant face à un sentiment et une menace d’être lui aussi anéanti. De même, cette séparation physique a mené l’enfant, semble-t-il, à s’en faire une image idyllique.

D’autre part, il paraît que son père n’est pas un « peu nerveux » comme il le disait mais au contraire très nerveux. Il semble que le père, aux yeux de l’enfant, ne pouvait pas le soutenir ni lui faire sentir la sécurité et l’affection dont l’enfant avait besoin, le père semble être incapable d’être une source de sécurité ni d’amour, surtout après la disparition de la mère. Ce qui a peut-être perturbé la bonne intégration de l’identité de l’enfant. Des propos pourraient nous montrer la mauvaise entente de J.K avec sa belle-mère et les affects qui en résultent, ainsi que le sentiment d’abondant «tous ont grandi (sa fratrie), se sont mariés et moi je suis resté à la maison, elle préférait ses propres enfants à moi, mon père le sait, je lui disais, mais il n’osait pas l’affronter, il me demandait de patienter, car, il y a un grand décalage d’âge entre eux, mon père est plus âgé qu’elle de quinze ans, entre lui et ma mère y en a dix, elle est morte jeune, le soir on passait la soirée ensemble quand elle était en vie, pourquoi, il s’irrite plus à présent ? Parce que s’il va la gronder (sa belle-mère) elle va le gronder de même, ma mère gardait le silence ! »

J.K. semble face à un sentiment d’abandon et de peur d’être anéanti. La belle-mère semble n’avoir pas pu remplacer la mère dans son rôle affectif. L’acte de viol traduirait-il le désir de revenir à la phase de l’unité de fusion fils-mère ?

La peur de l’anéantissement nous paraît avoir plusieurs origines ; la destructivité de la mère par un père violent et exigeant, la mère instable, sa séparation réelle par son décès et enfin, l’incapacité de protection que présentait le père qui ne pouvait pas, semble-t-il, être un repère d’identification.

Il semble que cette séparation, a fait surgir chez l‘enfant, certains comportements d’inadaptation, premièrement, il quitte l’école, quelque temps après, il commence la consommation de drogue : « je consomme de la drogue, de la cocaïne, deux fois par semaine, je pouvais pas sentir l’odeur de la nourriture ! » De son angoisse, il évoque toujours la séparation d’avec sa mère qui semble devenir une emprise pour lui.

La séparation réelle due par la mort, durant la période de latence de J.K a-t-elle réactivé, par régression, les divers sentiments de peur et de menace d’effondrement, serait elle derrière son passage à l’acte ?

De sa vie sexuelle, il dit qu’il en est satisfait de même que de sa vie affective. Il a eu sa première relation sexuelle à l’âge de treize ans « j’étais gosse, c’était avec une fille ». Malheureusement, l’entretien ne nous donne pas l’occasion de connaître d’autres détails concernant la réalité de sa vie sexuelle ni ses fantasmes.

Il parle peu, hélas, l’entretien ne présente pas le contenu indispensable à une bonne interprétation, nous aurions aimé avoir une autre opportunité avec lui.

A la fin de l’entretien, il refuse de dessiner : « je sais pas dessiner, si je sais le faire, j’aurai du dessiner une fille et un garçon ensemble », cela refléterait-il son désir inconscient du retour à l’union avec l’objet primaire, sa mère ?