Interprétation

Avec dégoût, mépris, un refus de revenir en arrière, il prend la parole : “Je ne veux pas me rappeler, mon père frappait toujours ma mère et mes soeurs, je ne veux pas me rappeler parce que ça va me torturer, qu’est-ce qu’elle t’a fait pour que tu la battes, les battre, sans cause! Il est venu (en prison), j’ai pas voulu lui parler, ma soeur a essayé, comment tu veux que je lui parle, qu’est-ce qu’il faisait à ma mère, s’il reste à la maison quand je sortirai, je n’y rentrerai pas. Elle m’a dit, tu n’oublies pas, j’ai dit je n’oublie pas, si tu oublies toi, à ma mère, moi j’oublie pas. Sans cause, il inventait des problèmes, quelle méchanceté ? Je sais pas ? (il essuie la table avec son doigt, il essaie de nettoyer quelque chose, puis il fait reposer sa tête sur ses deux mains), une fois j‘ai quitté la maison une semaine à cause de lui”.

Il est le plus petit de la famille, a vécu de durs traumatismes, tels qu’un père violent et agressif peut causer à sa famille et à ses enfants. Selon ses dires, il nous semble que l’enfant n’était pas victime directe de son père, néanmoins ses témoignages de petit garçon depuis son enfance précoce semblent être durement vécus.

Il semble que l’imago paternelle ne remplissait pas son rôle, le père ne répondait pas aux besoins de l’enfant, il n’a pas été une source d’amour et de sécurité, l’enfant ne pouvait donc s’identifier à lui, par suite le Moi-idéal ou le Surmoi a connu peut-être des perturbations. D’autre part, l’enfant a été témoin de la violence du père exercée sur son objet primaire qui n’est que sa mère, autrement dit, l’enfant a été témoin de la destruction de sa propre mère, de son identification primaire.

L’enfant s’est-il senti menacé à chaque instant d’être anéanti à son tour ? Il semble qu’il ait vécu un traumatisme narcissique précoce qui après coup, et par régression, le ferait peut-être passer à l’acte face à un sentiment d’anéantissement ? Sentirait-il à son tour sa toute-puissance ? Prouverait-il son identité face à un père menaçant ?

Il semble que tout le processus d’identification a été perturbé chez M.H, les images parentales et leurs représentations semblent être absentes dans le monde interne du sujet. Devant le mot « mère », il sourit puis dit : « franchement je me perds, je suis perdu”, pour «père » il dit : « franchement, j’aime pas me rappeler de lui, je lui parle pas », les autres mots, il continue à me dire : « je sais pas ! », il bouge trop... arrivant au mot « enfant », il s’angoisse, s’irrite, s’agite, alors je m’arrête sans continuer le reste de la liste.

Après sa sortie du prison, son premier projet d’avenir est de «construire moi-même, avoir un boulot», il nettoie la table, son projet viendrait-il du désir de faire ses preuves, d’avoir une identité propre, voire de se faire exister! M.H a subi plusieurs accidents d’enfance mettant son narcissisme en jeu ; un accident de voiture à l’âge de cinq ans, un coup de feu durant la guerre, il a toujours mal à la tête, il ne peut se concentrer .... « Je suis né malade ! ».

Timide, il n’a pas d’amis, il a peu de confiance en soi, éprouve une grande difficulté à penser, il ne prend aucune décision seul, il consulte sa mère et ses soeurs, les membres féminins de sa famille, a-t-il perdu confiance en tout genre masculin ?

Aux circonstances qui l’ont amené en prison, il dit avec angoisse : « Les problèmes passés entre mon père et moi, j’ai essayé de tuer quelqu’un », le déni semble ici lui servir de défense contre son vrai écroulement.

D‘autre part, il révèle n’avoir jamais eu de relation sexuelle. Il semble avoir refoulé sa pulsion sexuelle.

Du secret, il nous dit : « rien que ce qui s’est passé entre mon père et ma mère, au nom de Dieu, c’était sans cause ! » Signalerait-il le secret : la scène primitive ? Ce qui se passe entre les adultes ? L’enfant le refuserait-il pour ses parents ? Les notions de cette connaissance fournissaient-elles une issue dans ces fantasmes ?

Il refuse de dessiner : « ne me donne pas de chose difficile, je t’en prie, tout à l’exception du dessin, j’ai mal à la tête ! ».