La place du père dans l’esprit de la mère

D’après l’analyse des contenus des entretiens, nous avons trouvé que la place symbolique du père, selon le concept lacanien, dans l’esprit de la mère, joue un rôle très important dans le développement psychique de nos individus.

D’ailleurs, cette parole symbolique accorde au père une présence symbolique indispensable pour inscrire le sujet dans le complexe d’oedipe et à travers elle, le père est identifié à la figure de la loi. Pour que cette figure soit transmise à l’enfant, elle doit également exister chez la mère. Si cette place est « forclose » en elle, elle le sera de même pour l’enfant.

On peut mesurer ainsi toute l’importance de la parole : ’Il n’y a de père qu’avec la parole’ (B. This)264.

D’autre part, pour qu’une mère soit suffisamment bonne, pour qu’elle ait la capacité lui permettant de ressentir les besoins du bébé et d’y répondre de façon adéquate- nous soutenons ici l’idée de Winnicott- il faut que l’environnement soit suffisamment bon, c’est-à-dire que le père soutienne la mère.

Toutes les mères des cas étudiés étaient des personnes dépressives, leurs époux ne leur apportaient aucun support affectif ni matériel. Aucun couple n’a connu une vie calme et sereine. Autrement dit, aucune mère, de nos cas, n’a connu un mari qui la soutenait et la protégeait, elle n’investissait pas le père de l’enfant, ce qui nous laisse croire que le développement psychique de celui-ci s’est ressenti.

L’importance que la mère accorde à la parole du père va conditionner l’ancrage de la fonction paternelle dans chaque sujet. La lecture des entretiens nous laisse douter de l’importance de cette place accordée au père. Des époux violents, des époux ne respectant pas leurs femmes comme pairs ; des époux ne satisfaisant ni les désirs ni les besoins de leurs épouses ; des époux qui limitaient leurs femmes dans leur rôle de l’enfantement... voilà ce que nous trouvons dans l’histoire de nos cas.

Le père alors, comme époux, ne possédait pas une place dans l’esprit de la mère, comme étant épouse ; soit parce qu’il ne remplissait pas son rôle d’époux, soit parce qu’il n’a pas été vraiment un soutien à sa femme ni une source de sécurité. Cela nous fait poser la question suivante : Comment une mère (l’épouse) pourrait de transmettre une place symbolique de père (l’époux) à un enfant (le futur agresseur) si, chez elle, cette image au départ, n’était pas esquissée ? Comment l’image d’un époux qui au départ, ne peut pas satisfaire les besoins de son épouse, laisse cette dernière lui accorder, à travers la parole, une place importante chez l’enfant ? Comment pouvait elle préserver quelque chose que au départ, elle ne possédait guère ?

L’absence de la place symbolique accordée au père à travers la mère a contribué, chez l’enfant, à la non identification de la personne du père à la figure de la loi.

J’anticipe ici pour dire que, du départ, l’imago masculine dans la même famille a été déficiente, comme étant en premier lieu l’imago d’un époux, pour plus tard devenir une imago paternelle, comme on va le voir dans les lignes qui suivent.

Notes
264.

- B. This, Le père : acte de naissance, Seuil, 1980.