L’angoisse :

Selon Freud, quand la satisfaction d’une partie libidinale provoquée n’est pas satisfaite ni employée alors, à la place de cette libido détournée de son utilisation survient l’état de l’anxiété266 ; de même, il ajoute que le Moi agit contre l’irruption des motions pulsionnelles, par le signal de déplaisir ou d’angoisse qu’on rencontre énormément dans notre cas, d’angoisse, de tristesse, du noircissement, d’insatisfaction, de sous-estimation. Souvent on entend : « je suis toujours si triste », « je pleure toujours », « j’ai pas envie de m’amuser », « je souhaite, si je ne suis jamais né », « toutes mes idées se combattent dans ma tête, le résultat c’est que je reste toujours à ma place », « tout est monotone », « rien de nouveau », « j’aurai dû me suicider si j’avais pas peur de Dieu », « qu’est-ce qu’il me reste », ...etc.

L’angoisse prend une autre forme avant le passage à l’acte, l’amertume de la bouche et le goût amer chez la plupart des pères incestueux.

La plupart des auteurs ont connu des périodes dépressives, de courte durée, hautement significatives, comme des types de réactions à des traumatismes réels et précoces en relation avec la peur de perte de l’objet, il s’agit d’une anxiété dépressive due à la peur de perdre l’objet, après les attaques destructrices, qui amène l’enfant à réprimer sa vie fantasmatique.

D’après l’étude, il nous paraît que nos cas réagissaient face à leurs sentiments d’angoisse et de perte par une décharge d’impulsion sexuelle voire une pénétration.

L’angoisse provient d’une menace d’anéantissement, qui au départ peut être en relation avec l’objet primaire, en l’absence d’une imago paternelle et de manque de repère d’identification secondaire d’un père prêt à sauver l’identité du sujet ; alors, et pour calmer l’angoisse d’effondrement, le sujet avait recours à l’agression sexuelle.

Une agression peut être une pénétration : c’est sentir sa propre puissance, sa force d’exister. Certains, comme B.D. (cas n° 1), M.A. (cas n° 2), M.M. (cas n° 4) et E.W. (cas n° 7), retrouvaient leurs moyens en sodomisant leurs victimes, digitalement pour A.S. (cas n° 3), une pénétration complète pour G.D. (cas n° 8), A.O. (cas n° 10), A.M. (cas n° 15), J.K. (cas n° 17) et bien d’autres, ainsi la pénétration devient pour ceux-ci une pénétration dans un monde propre à eux, c’est posséder ce qu’ils n’ont pas, le phallus imaginé ou c’est la folie complète « quand je m’angoisse, je veux me soulager à tout prix, je vois le cendre, je me sens perdu, une épilepsie vient dans ma tête, je pense plus » ; nous dit F.M. (cas n° 13).

Parfois, cette angoisse insoutenable si pénible devient si puissante qu’il fallait à tout prix anéantir l’autre, le rendre au niveau zéro pour se sauver, pour sauver sa propre existence en réduisant autrui, comme représentant de source de danger, ainsi Z.N. (cas n° 19) et M.E.H. (cas n° 11) abattaient celui qui s’opposait à eux et F.M. (cas n° 13) brûlait vive sa victime après consommation.

La question qui se pose ici est, est-ce qu’une seule et unique décharge suffisait à cette décharge ? Ce qui est le plus inquiétant dans l’affaire, c’est qu’à chaque fois que l’angoisse surgit, il faut de nouveau la calmer, ainsi le parricide de E.W. (cas n° 7) ne lui suffisait pas: une fois libéré, après dix ans d’incarcération, il sodomise un enfant.

Ce qui évoque le thème de la récidive et la problématique d’une possibilité de la contrôler avec une bonne thérapie : ce que nous enseigne Balier.

Notes
266.

- XXXII e Conférence, Angoisse et vie pulsionnelle (1933, in Nouvelles Conférences d’introduction à la psychanalyse, Gallimard, 1984, p.113