L’angoisse de castration :

L’angoisse de castration survient, en premier lieu, en l’absence d’un objet : dans le traumatisme causé par la réalité de l’absence du pénis de la mère se cache l’ombre tout entière de la mère manquante. La façon dont l’enfant s’est senti aidé pour compenser cette perte vitale forme la manière fondamentale dont il affrontera les conflits de la phase oedipienne.

Alors, l’angoisse de séparation peut représenter l’angoisse de castration. Le passage à l’acte digital de A.S. (cas n° 3), remplace le phallus castré. Le témoignage de F.M. (cas n° 13) : « je suis calme comme une fille » résume l’angoisse d’être impuissant, privé du pénis, pareil à une fille, qui par suite laisse la place à un phallus idéalisé.

D’autre part, des rêves nocturnes peuvent traduire de même la peur de castration des sujets : des chiens qui, dans la nuit, veulent attaquer, le chevalier avec son épée, les chats sans têtes, les serpents, les tuyaux.... etc.

Nous allons revenir un peu sur une idée déjà évoquée dans ce travail : la façon suivant laquelle la plupart des Libanais cajolent nos petits garçons. Cela nous fait nous interroger sur la transmission de peur de castration d’une génération à une autre. De ce point de vue, nous trouvons que les Anglais avaient raison quand William Wardsworth, un écrivain romantique, a dit que « the child is the father of the men »267 pour montrer à la fois l’importance du rôle de l’éducation et celle de la personnalité de l’enfant qui plus tard, deviendra lui-même adulte et sera responsable à son tour d’éduquer ses descendants. Sa tâche sera relativement teintée- cela dépendrait, bien entendu de l’éducation personnelle et du milieu social qu’il aura ultérieurement - de la même esquisse suivant laquelle il a été personnellement élevé, avec tous ses illusions, fantasmes et peurs transmises.

A présent, quelle est la façon dont l’homme (auparavant enfant) trouverait un moyen de maîtriser sa peur de castration - toujours présente- en se moquant d’elle, en la ridiculisant ? Il paraît que chez certains, elle est toujours puissante et fait peur à un degré tel qu’il fallait l’affronter en diminuant sa charge par le rire.

Ce qu’on peut constater, c’est que si l’éducation et la norme sexuelle changent, la peur de la castration demeure. Elle trouve seulement de nouveaux déguisements.

L’éducation sexuelle des agresseurs

Selon Freud, la façon dont l’enfant mène sa curiosité dans toute activité intellectuelle, animé par une “pulsion épistémophilique”, dérive, en dernière analyse, de ses curiosités sexuelles.

Dans la façon de poser des questions sur la réalité sexuelle, il s’agit de questions sur les origines, sur le fonctionnement, sur le devenir, qui ne sont que les questions essentielles alimentant toute recherche scientifique et qui esquissent sa façon ultérieure de penser. Autrement dit, l’enfant qui mène cette curiosité librement loin de toute restriction, élabore sa capacité intellectuelle ultérieure, de même l’interdit de savoir se généralise ; cela explique certaines inhibitions intellectuelles ultérieures.

« Je m’agis spontanément, de ma tête »,» je n’y pense pas, je n’ai aucune pensée, pas du tout », « comment tu sais le vrai du faux ? », cela stimule la façon suivant laquelle il aborde toute activité intellectuelle ultérieure et sa façon de réflexion sur les autres thèmes de la vie.

Au cours de l’analyse de ces cas, on a l’impression qu’ils ont été nourris de connaissances illusoires. On pense ici à Freud, à ses pensées sur l’inhibition intellectuelle ainsi qu’à l’article de Hellman 268 sur les enfants souffrant d’inhibition intellectuelle parce qu’ils n’avaient pas le droit de savoir ce que les mères ne toléraient pas qu’ils sachent, comme S.A (cas 27), qui passait son enfance à regarder sous les robes des filles et M.M. (cas n° 4) qui, jusqu’à présent, ne peut discerner le vrai du fictif dans ce que lui disent les autres.

Nous ignorons réellement de quelle nature était l’explication donnée aux enfants, nos futurs déviants, face à leurs questions concernant la réalité sexuelle, mais ce qui est presque évident est la réalité suivante : dans le cas d’une simple transmission exacte de réalité sexuelle bien donnée, une déviance sexuelle ultérieure aurait peu de chance de se manifester, sans oublier évidemment d’autres facteurs qui peuvent encore entrer en jeu. Une défiance s’installait alors entre les enfants et les adultes, doutant de tout ce qui provient d’eux « comment sais-tu le vrai du fictif, nombreux sont qui jouent des rôles, ils ne donnent pas des vraies réponses », se demande alors M.M. (cas n° 4), pour K.A (cas n° 5) le fait de penser devient un acte pénible qui pourrait être de nature hystérique causant « un mal à la tête » face à la moindre activité intellectuelle, chez M.M (cas n°. 4) cela prend une autre forme, il se prend comme « le plus mauvais », cette image de soi s’est collée à lui, tout le reste de sa vie à cause de sa curiosité enfantile sur la réalité sexuelle et ses questions répétées.

Il semble que les connaissances sexuelles de l’enfant (le futur agresseur), et la série de fantasmes qui l’expriment ont connu des perturbations. Confronté à la réalité que ni la mère ni les filles ne possèdent un pénis, l’enfant semble évoluer vers une organisation qui désavoue non seulement cette réalité, l’absence du pénis, mais encore la signification de la différence sexuelle et la réalité de séparation, de la différence, entre lui et autrui, cette résolution déviante, selon MacDugall269, ne se manifeste pas seulement dans la perversion sexuelle mais dans de nombreux cas de toxicomanie comme T.A.(cas n° 23) qui ne pouvait cesser de boire.

Notes
267.

- L’enfant est le père de l’homme.

268.

- I. HELLMAN, Some Observations on Mothers of Children with Intellectual Inhibition, Psychoanal. Study of the Child, p.9.1954.

269.

- McDougall, Plaidoyer pour une certaine anormalité, Edition Gallimard, 1999, p.55.