C) De Rijckholt à l’Angelicum

Le 2 octobre 1927, Maurice Montuclard, devenu Marie-Ignace en religion57, prend donc l’habit dans l’Ordre des frères prêcheurs. Il rejoint alors le noviciat de la province de Lyon à Angers, puis le couvent d’études, encore exilé à l’époque à Rijckholt, dans le Limbourg hollandais, près de Maastricht. Le climat qui y règne est celui d’un petit milieu très refermé sur lui-même, coupé du monde environnant, mais non dénué de chaleur humaine. Maurice Montuclard y découvre certes les rigueurs de la règle dominicaine, les levers de nuit, la mauvaise nourriture et les longues marches à pied, qui le conduisent assez vite à une première dépression nerveuse. Mais il y trouve aussi une atmosphère beaucoup plus vivante, beaucoup plus stimulante et, en fin de compte, beaucoup plus libre qu’au séminaire de Francheville, dont il déplorait sans cesse la médiocrité de l’enseignement. Il s’y lie d’amitié avec un de ses maîtres, le père Sertillanges, qui, au cours de longues discussions, lui ouvre les horizons d’une philosophie morale très imprégnée à la fois de rationnalité – Sertillanges reste d’un thomisme très classique – et des vertus de l’amour. C’est à Rijckholt que le jeune frère découvre aussi la musique : il joue un peu d’orgue et acquiert une certaine culture musicale. En définitive, Maurice Montuclard conservera toute sa vie un souvenir heureux de ces années passées au noviciat, au cours desquelles se forge en lui un sentiment très fort d’appartenance à la famille dominicaine et naissent de solides amitiés avec certains de ses condisciples, comme le père Serrand ou le père Belaud.

Ordonné prêtre le 20 décembre 1931, il passe avec succès les examens du lectorat en théologie en 1932. Son mémoire porte sur « La nature de la quantité, d’après le chapitre sixième des Catégories d’Aristote ». Puis, remarqué par ses supérieurs, il est envoyé au collège de l’Angelicum à Rome, pour y préparer sa thèse de doctorat, qu’il soutient en 1933 sur « Le don du conseil et la certitude pratique ». Il a comme directeur le fameux père Réginald Garrigou-Lagrange, qui incarne alors le thomisme le plus traditionnel.

On retiendra en tout cas que le père Montuclard s’est constitué, dans ses années de formation, tant à Rijckholt qu’à Rome, un solide bagage théologique, puisé aux meilleures sources du thomisme officiel. Remarqué par ses maîtres, il est promis à un brillant avenir au sein de l’Ordre. Certains n’hésitent pas à lui prédire un avenir de prédicateur à Notre-Dame...58

Notes
57.

Ce nom, bien peu dominicain, ne traduit pourtant aucun attachement particulier à la tradition jésuite. Faut-il y voir un hommage à l’ardeur apostolique ou à la vertu d’obéissance incarnées par Ignace de Loyola ?

58.

Témoignage de Mme Marguerite Montuclard, 27 octobre 1994.