2) Jehanne Allemand-Martin et Louis Dominjon

Le projet de communauté chrétienne mûrit aussi dans l’esprit de Montuclard au cours de son séjour lyonnais parce qu’il a trouvé une forte résonance chez des laïcs prêts à le réaliser avec lui. Dans le Mémoire sur la Communauté ⁶⁵, il est indiqué : « ‘La première réunion du groupe que nous appelons – faute peut-être d’un autre nom – la « Communauté » date de la première quinzaine de janvier 1936. Elle rassemblait trois membres : un jeune avocat, un dessinateur de l’usine Berliet, une étudiante ’». Deux de ces personnes sont aisément identifiables.

Le jeune avocat est Louis Dominjon, originaire de Belley, qui a rencontré Montuclard lors de recollections à Saint-Alban et l’a retrouvé à Lyon pendant ses études de droit. D’une foi intense et d’une grande exigence morale, il apparaît comme un peu perdu dans son époque, nostalgique d’une chrétienté chevaleresque idéalisée. Son éloignement pour raisons professionnelles puis sa mort au front le 8 juin 1940 dans les combats de la campagne de France, le priveront d’un rôle de premier plan dans l’histoire de la Communauté.

L’étudiante s’appelle Jehanne Allemand-Martin et va jouer un rôle fondamental dans l’aventure de Jeunesse de l’Eglise. Après sa mère – et avant Marie Aubertin -, elle est la deuxième femme qui a inspiré et accompagné l’oeuvre de Montuclard. Fille d’un professeur de sciences naturelles du lycée Ampère, ami de Pierre Termier et pionnier des camps de vacances itinérants en montagne, Jehanne, sans être une convertie stricto sensu, affirme un engagement religieux personnel depuis l’adolescence. Responsable de la J.E.C.F. (section Sciences) de la Faculté de Lyon, elle est amenée par son mandat à rencontrer Montuclard, aumônier de son groupe. Celui-ci est impressionné par sa vive intelligence et sa forte personnalité. De plus, le dominicain découvre à travers elle un mode de vie exaltant qui tranche avec l’atmosphère confinée et quelque peu étouffante du couvent : les randonnées dans les Alpes, les longues soirées de discussion dans le chalet familial d’Huez, où se croisent de nombreux étudiants... Habitée par le désir de parfaire sa vie de chrétienne et séduite par l’idéal communautaire, Jehanne partage les préoccupations de Montuclard. Jusqu’à la rupture de 1944-1945, la réflexion menée sera l’oeuvre conjointe des deux partenaires. « ‘Elle (Jehanne Allemand-Martin’ ‘) a permis la fermentation du départ et éclairé Montuclard’ ‘ sur beaucoup de choses. Certes, elle se retire en 1944-1945, mais à ce moment-là, l’essentiel du travail de création était accompli. C’était un tempérament du feu de Dieu, mais honnêtement, c’est à elle qu’on doit tout ’», pourra affirmer Marie Aubertin.⁶⁶.