D) Le vivier

Autour des quatre fondateurs, le groupe s’étoffe rapidement. A la fin de l’année 1936, il compte 16 membres79. La section masculine en regroupe sept (outre le père Montuclard) : un avocat (Louis Dominjon), un professeur de lycée, le sous-directeur de l’usine Rhodiacéta de Péage-de-Roussillon, un étudiant, trois ouvriers ou employés. La section féminine regroupe huit membres : un professeur de lycée, quatre étudiantes, deux élèves de l’Ecole sociale, une jeune femme de la bourgeoisie, sans profession.

Deux constatations s’imposent : le poids des étudiants et la dominante bourgeoise. En fait, le groupe s’est constitué dans le vivier des militants fréquentés par Montuclard. Plusieurs sont issus des Amis de Sept. D’autres, comme les étudiantes de l’uiversité catholique emmenées par Marie Aubertin, elle-même entrée en contact avec Jehanne Allemand-Martin, sortent des rangs de la J.E.C..

Un Jean Bonnet, technicien aux établissements Michallet, issu d’un milieu ardéchois extrêmement modeste, amené par Montuclard qui l’avait rencontré lors d’un prêche de carême, fait un peu figure de curiosité et de caution sociale. Il est en quelque sorte « ‘l’ouvrier de service ’»80 dans un ensemble surtout issu de la bourgeoisie et très féminin. En effet, l’équilibre entre les sexes mentionné dans le mémoire de décembre 1936 semble un peu reconstruit et la liste nominative dont nous disposons par ailleurs81 (vraisemblablement datée de 1942) nous paraît, bien que postérieure, refléter plus fidèlement la réalité : sur les quatorze membres entrés en 1936, on dénombre quatre hommes : Maurice Montuclard ; Louis Dominjon, que son travail éloigne de Lyon et du noyau central ; Jean Bonnet, dont nous avons signalé la situation atypique et un dénommé Albert Bernard. En définitive, c’est essentiellement un groupe de jeunes étudiantes, regroupées autour de Montuclard, qui constitue le noyau originel de la Communauté lyonnaise.

Au cours des années suivantes, le recrutement présente des caractères quelque peu différents : tout d’abord, une stabilisation du nombre des entrées annuelles : cinq en 1937, six en 1938, cinq en 1939, quatre en 1940, quatre en 1941, deux en 194282 ; ensuite, une plus grande diversité géographique avec, à côté d’un noyau central à Lyon, des membres résidant à Saint-Etienne, Belley, Givors et Saint-Claude ; enfin, un renforcement de l’élément masculin avec l’entrée de couples ou de conjoints d’anciens membres, et surtout, nouveauté fondamentale pour la Communauté et son avenir, de plusieurs prêtres : tout d’abord les cinq entrants de 1937 ; François Fontvieille, curé de Montverdun dans le Forez, « ‘archétype du curé de campagne ’»83 ; Etienne et Joseph Garnier, tous deux professeurs, l’un au collège de Montbrison, l’autre au petit séminaire de Lyon ; Michel Chartier, jeune prêtre à la forte personnalité84, vicaire à Givors, paroisse « rouge », réputée comme une des plus difficiles du diocèse (il y est le quinzième vicaire en 14 ans...) ; enfin le frère de Maurice Montuclard, Paul, mariste.

A ce noyau qui formera l’équipe des prêtres au sein de la Communauté, il faut ajouter quelques noms dont l’apparition, plus épisodique, explique les écarts numériques selon les différentes sources85 : Henri Chirat, professeur aux Facultés catholiques de Lyon, l’abbé Jean Servonnat, curé de Saint-Claude (Jura), le père Wilfrido Barrera, curé à Hauteville (Loire)...

Finalement la Communauté compte à la veille de la guerre une quarantaine de membres, chiffre qui restera stable jusqu’à sa disparition.86

Notes
79.

Mémoire sur la Communauté, 8/12/1936 . Une liste datant vraisemblablement de 1942 en dénombre 14 (4 hommes et 10 femmes).

80.

Nous n’en avons pas trouvé d’autres.

81.

F.M., carton 7.

82.

Mais la dernière entrée portée sur la liste date du 24 avril 1942 . Il a pu y en avoir d’autres cette année là.

83.

Marie Montuclard, entretien du 26/11/1992.

84.

Détaché militaire au Liban en raison de son refus de porter les armes, il gifle son colonel qui avait frappé un supplétif autochtone.

85.

Il est question de sept prêtres dans le rapport du 25/11/1940 au cardinal Gerlier, de huit dans celui du 2 mars 1944, F.M., carton 7.

86.

40 en 1940, 41 en 1944 (Cf rapports mentionnés en note précédente).