III L’EPREUVE DE LA GUERRE

Entre-temps, la situation générale a eu des répercussions importantes sur la vie et le fonctionnement de la Communauté qui connaît comme tous les Français les épreuves et les bouleversements de la guerre.

A) La dispersion et la création de Message

Les événements font brutalement interruption dans la vie de la Communauté au cours de l’été 1939, lorsque la tension internationale est à son comble, aux lendemains de la signature du pacte germano-soviétique. Devant la gravité de la situation et les risques de guerre imminente, les plus anciens membres du mouvement décident de fonder la Communauté en prononçant leurs voeux définitifs. Le 26 août, dans l’église de Montverdun, après une soirée de prières devant le Saint-Sacrement, sept d’entre eux affirment leur engagement209. Deux prêtres de l’équipe sacerdotale, Etienne et Joseph Garnier, adressent par écrit le leur au père Montuclard dans les jours suivants, avant de rejoindre l’armée. Avec la mobilisation et la déclaration de guerre, la plupart des hommes se retrouvent sous les drapeaux. Les réunions deviennent difficiles et pour pallier les difficultés de communication, il est décidé de modifier la périodicité du bulletin interne né en juillet 1939. Après sept premiers numéros, une deuxième série est créée avec le numéro du 10 décembre 1939. La publication se veut dorénavant régulière et bi-mensuelle, afin de maintenir un lien entre tous les membres du mouvement. D’épaisseur variable ( de une à onze pages selon les numéros), elle est composée d’articles de fond, d’exposés, de plans d’études ou de recherche, de « brèves » qui donnent des nouvelles des uns et des autres..., le tout rédigé presque exclusivement par le père Montuclard. On y trouve aussi des extraits de lettres adressées par les membres à Montverdun.

Cependant, avec la « drôle de guerre » qui s’installe et qui s’éternise, le spectre des hostilités s’éloigne et ce n’est qu’avec l’invasion et la campagne de France que les événements opèrent un retour fracassant dans les préoccupations du mouvement. Tandis que le numéro 11 de Message, daté du 10 mai 1940, analysait sur trois pages le problème de la gestion du superflu, la livraison suivante, consacrée à la France, traduit un changement de ton symptomatique du sursaut patriotique de l’opinion : « ‘Nous nous retrouvons aujourd’hui changés (...). Oui, notre esprit s’est ouvert. Comme si tout d’un coup, nous avions découvert la France. La France, cette valeur dont le sens nous manquait peut-être. Qui vaut mieux que notre fatigue immense, mieux que notre vie, mieux que notre classe sociale, mieux que notre foyer (...). Pourquoi a-t-il fallu les armes et le péril pour entrevoir que le sens civique est la plus authentique manifestation temporelle de la charité ? C’est cette découverte qui a bouleversé notre mentalité. Nous avons vraiment senti la France’ ».

Bientôt, la Communauté vit dans sa chair la débâcle et l’exode. Les soldats démobilisés sont éparpillés dans tout le pays. Plusieurs membres et sympathisants de la Communauté se retrouvent prisonniers : Michel Chartier, François Fontvieille, Paul Fraisse, Emmanuel Mounier ; d’autres ont connu les bombardements ; surtout, Louis Dominjon a été tué au cours des combats, dans l’Oise, le 8 juin 1940. Après le numéro 14 du 2 août 1940, Message cesse de paraître. La reparution n’est autorisée qu’en avril 1941.

Dans la bourrasque, le dernier point d’ancrage de la Communauté est la maison de Montverdun.

Notes
209.

Il s’agit du père Montuclard, de François Fontvieille, curé de Montverdun et de cinq membres de l’équipe féminine dont Jehanne Allemand-Martin et Marie Aubertin.